Walking Disaster
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 Infinity on High

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Abernathy
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MessageSujet: Infinity on High   Infinity on High EmptyMar 26 Jan - 14:14

(Part I)  



Lumières, sons, fumée, odeurs, couleurs, chaleur, personnes, alcool. Alcool. Il avait beau essayé, il n’arrivait pas à aller plus loin que ce mot, dans sa tentative peu fructueuse de décrire son environnement. Tout était flou, désordonné, un mélange complexe qui papillonnait devant ses yeux, brouillant ses sens jusqu’à la sensation désagréable qui lui engourdissait la langue. Dans un moment de lucidité, il aurait juré qu’il s’agissait de la saveur poivrée de la téquila, mélangée à autre chose. D’autres choses.
Cette pensée suffit à lui faire tourner la tête un peu plus et il se sentit contraint de partir à la recherche du dehors. Le fou se transforma alors rapidement en trou noir et si ses sens ne le trompaient pas, il aurait juré qu’on l’avait frappé sur tout l’avant du corps avant que tout ne devienne rien.
 
 
8h plus tôt.
Il était de retour de Tokyo depuis la veille seulement et Kyo avait déjà ce sentiment, curieux et inexplicable de n’être jamais parti. Ses pas le menaient naturellement là où il souhaitait se rendre, chaque itinéraire gravé au fer rouge dans sa mémoire, parfois faussé par quelques travaux de çà et là, de nouveaux bâtiments, de nouvelles routes. Difficile de dire qu’il était surpris face aux changements qu’avaient subi la capitale nippone, cela faisait tout de même quatre ans qu’il était parti.
Et le revoilà, dans cette merde puante qu’on appelait ville, de son plein gré qui plus est. Le jeune homme ne pouvait se maudire lui-même de causer sa propre malchance, de revenir alors qu’il avait construit sans trop de difficultés une vie plus ou moins dans les limites de la légalité aux USA.
Le problème, c’est qu’il avait laissé des choses derrière lui, trop de choses. Encore une fois. Des choses qu’il ne pouvait se résoudre à laisser tomber pour toujours alors il était revenu pour les récupérer, maintenant qu’il avait de l’argent et un toit qui l’attendait de l’autre côté du Pacifique.
 
Naturellement il avait commencé par chercher signe de vie de sa petite sœur. C’était pour elle qu’il était partie (c’est ce qu’il aimait se dire), pour Emi qu’il avait cherché une vie meilleure que Tokyo refusait de lui donner. Maintenant qu’il avait trouvé, il pouvait revenir la récupérer. Quel âge avait-elle, maintenant ? Kyo ne savait pas, mais il l’imaginait adolescente, grande avec de jolis yeux, coquète mais pas trop, forte tête aussi. Comme maman mais plus jeune. Comme maman mais sans la maladie.
 
 
▬ Désolé monsieur. Mademoiselle Saga a été placée dans une famille d’accueil il y a déjà 2 ans.
 
C’est ce qu’on lui a répondu lorsqu’il s’était rendu au foyer où elle était censée se trouver. Le foyer où il l’avait laissé et où il avait promis de venir la récupérer.
C’est à ce moment précis que Kyo comprit que Tokyo voulait, veut et voudrait indéfiniment sa peau. Plus vite il trouverait Emiko, plus vite il pourrait foutre le camp de cette benne à ordures.
Alors il demanda l’adresse de la nouvelle famille d’Emiko à la réceptionniste, elle daigna lui donner l’adresse du lieu de travail du responsable légal. Pas de nom. Juste une adresse. Puis elle retourna à ses mots croisés et Kyo jura qu’il haïssait les tokyoïtes autant que le purin dans lequel ils vivaient tous.
 
 
C’était l’adresse d’une école élémentaire et pendant deux minutes, deux bonnes minutes, Kyo croyait que le monde était encore en train de se foutre de lui. Il allait faire demi-tour, trouvait un autre moyen de trouver sa petite Emiko et la sortir une bonne fois pour toute de ce trou pour qu’ils puissent être ensembles, enfin, et que la vie leur foute la paix, enfin.
Son ordre de priorité fut toute fois complètement chamboulé lorsqu’il aperçut un visage familier sortir par le portail, un café dans une main et un téléphone dans l’autre. Mizuki Yanase venait de prendre le pas sur Emiko Saga dans le foutoir qui lui servait de cerveau.
 
Kyo ?
 
Il s’était senti prêt à courir, partir et disparaître loin de cet homme. Pourtant il était resté, il avait levé les yeux et putain.
Kyo se demandait si le monde n’était pas littéralement en train de se foutre de sa gueule.
Le moment dura une éternité (quelques secondes) pendant laquelle il regarda, scruta chaque détail et réalisa l’effet que pouvait avoir quatre années sur une personne :
Non seulement Mizuki était plus grand (de quelques dix centimètres qui ne lui permettaient pas de prétendre être aussi grand que Kyo mais qui avaient réduit considérablement l’écart entre eux), plus massif (Kyo se sentait prêt à parier sur l’existence d’abdos finement sculptés sous ce haut et la pensée seule suffisait à rendre sa bouche sèche), et surtout il ressemblait à un adulte. Il avait de toute évidence mis un terme à son amour inconditionnel du streetwear pour un style vestimentaire plus sobre (un pull col roulé noir, une paire de jeans et de chaussures neuves ainsi qu’une écharpe qui pendait sur ses épaules).
Un adulte.
Emiko sera-t-elle une adulte, elle aussi, quand il la retrouvera ?
La pensée seule lui donna un peu plus le vertige.
 
Ce fut Mizuki qui brisa le silence, l’air fermé et insondable. Et sa voix, sa voix reflétait cela d’une manière plus terrible encore.
 
▬ Qu’est-ce que tu fais ici ?
 
Etait-ce bien Mizuki, son Mizuki, celui qui ne tenait pas en place et qui était incapable de tenir ses émotions pour lui qui lui posait cette question avec un détachement à faire froid dans le dos ?
 
▬ On m’a dit de venir ici pour trouver quelqu’un. 
 
Kyo aurait donné cher pour savoir par quel miracle sa voix n’avait pas tremblé en prononçant ses mots, alors qu’il n’avait qu’une envie s’était de fuir ou de secouer l’homme en face de lui dans l’espoir que tout ça ne soit qu’une blague de très mauvais goût.
 
De toute évidence, le jeune homme n’était pas encore fait de marbre. Il haussa un sourcil, laissant échapper sa surprise discrètement avant que son visage ne se ferme de nouveau. Des murs, Kyo pensa, des murs pour se protéger de moi.
 
▬ Suis moi.
 
Il ne put qu’obéir.
 
 
Une sonnerie assourdissant se mit à retentir dans la cour où les bambins se bousculaient pour retourner vers les salles de classe. Ils traversèrent ainsi jusqu’à un grand bâtiment dans le fond, devant lequel plusieurs rangs commençaient à se former.
Mizuki fit halte devant l’une de ces salles où se trouvait toute une flopée de têtes blondes (ou noires, dans ce cas précis). Il ouvrit la porte, leur fit signe de rentrer et l’espace d’une seconde, Kyo crut voir le visage du plus jeune se transformer en quelque chose de plus doux, des yeux plissés aux coins de sa bouche relevés en un sourire tendre. Lorsque les morveux finirent de rentrer, l’expression disparut, et Mizuki intima à Kyo de rentrer et de rester tranquille sur l’une des chaises du fond.
Ce Mizuki là est autoritaire. Kyo déglutit mais fut incapable de dire s’il s’agissait d’une bonne ou d’une mauvaise chose.
 
Il ne fallait pas être idiot pour deviner la situation, quoi que Kyo aurait préféré être le dernier des abrutis afin d’éviter de tomber des nues, pour la énième fois de la journée.
De toute évidence, Mizuki Yanase faisait classe à des maternels. L’association sonnait tellement étrange à ses oreilles que Kyo ne pensait pas accepter cette réalité de sitôt. Il ne s’attendait pas non plus à constater que Mizuki était bon dans ce qu’il faisait. Il tournait dans la classe, regardait les gribouillis à vous faire rougir de jalousie les galeries d’art moderne des moutards avec une patience maternelle, un sourire tendre et large et doux et Kyo aurait aimé qu’à un moment, un seul de cette longue heure à jouer les spectateurs, Mizuki se tourne vers lui et lui sourit comme ça. Ca n’arriva pas. Les seules fois où il jeta un œil dans la direction de Kyo, il ne lui adressa qu’une indifférence si glaciale que ce dernier en frissonna tout entier.
 
Quelque part au milieu de l’heure, que Kyo avait fini par qualifier comme la plus longue de toute ma chienne de vie, une petite fille avec des petites couettes et de très grosses joues (que ta grand-mère aurait adoré pincer) demanda avec toute l’innocence du monde qui c’est lui ? en pointant Kyo du doigt. Une armée de petits yeux se tournèrent dans sa direction et un long soupir se fit entendre.
 
▬ Personne. Il est juste là pour regarder si vous êtes tous sages. Amy arrête de le montrer du doigt, c’est malpoli.
 
La dénommée Amy fit la moue, vraisemblablement déçue par le manque de fantasque de cette réponse (elle s’attendait certainement à ce qu’il s’agisse d’un prince déguisé en clochard, ou quelque chose du genre) mais baissa la main et retourna à son art abstrait. Quant à Kyo il resta assis et il fit de son mieux pour ne pas donner l’impression qu’il venait d’être heurté de plein fouet par un train. Parce que c’était le cas et ça faisait mal comme un bon gros fils de pute dans ton cul. Ou comme un coup de couteau qui réveillait la douleur dans son flanc, vive et brûlante et qui lui donnait envie de dégueuler son sandwich-salami sur le carrelage bariolé de la classe de petite section.
 
La fin des classes vint lentement, trop lentement au goût de Kyo qui était resté dans ce malaise nauséeux jusqu’à la sonnerie. En levant le nez vers la porte, il y aperçut des parents collés contre la fenêtre, attendant de récupérer leurs progénitures. Ces derniers d’ailleurs ne tenaient plus en place mais ce ne fut pas suffisant pour démonter la patience de Mizuki qui les força à rester assis, emmitouflés dans leurs manteaux, sacs sur les épaules avec la fermeté nécessaire pour les faire obéir et la douceur suffisante pour ne pas passer pour un tyran impitoyable. Il ouvrit la porte aux parents, appela les gosses un à un et lorsque vint le tour de la petite Amy, contre qui Kyo ne pouvait s’empêcher de garder une certaine rancœur, elle s’approcha et s’excusa en s’inclinant autant que son petit corps lui permettait.
A cet instant Kyo ne saurait dire si Mizuki lui souriait, à lui, ou à elle, ni même pourquoi mais il se sentit plus léger, comme si un pardon m’sieur pouvait soigner tous les maux du monde. Le temps que la classe ne se vide, il y avait du mieux. Puis il se trouva seul avec Mizuki et il avait de nouveau très envie de disparaître.
Que valait-il mieux faire dans cette situation ? S’excuser ? Oui. Mizuki méritait des excuses, parce qu’il l’avait laissé derrière encore et que cette pensée l’avait empêché de trouver le sommeil trop de fois pour nier la culpabilité qui le bouffait. Non. Mizuki méritait mieux que des excuses. Mizuki méritait mieux que Kyo et quelque part, au fond du débris qui lui servait de cervelle, une partie lucide de lui-même souhaitait que Mizuki ne le pardonne jamais.
Il n’eut pas le temps de se décider ; le plus jeune se mit à parler d’abord, une fois certain qu’ils n’étaient que tous les deux, dans la salle de classe qui semblait bien vide sans sa masse grouillante de petits machins turbulents et curieux comme la merde.
 
▬ Ne gaspille pas ta salive. Je sais pourquoi t’es là.
 
Silence.
 
▬ Emiko ne veut pas te voir. Pas la peine d’essayer de la récupérer. Je ne veux pas que tu la vois non plus d’ailleurs. T’en as assez fait.
 
Nouveau silence.
Mais cette fois Kyo refusait simplement de relier A et B.
 
▬ Reste en dehors de ma vie et de la sienne. Retourne là où tu étais pendant quatre ans et ne reviens plus s’il te plaît.
 
Mizuki ne rouvrit plus la bouche. Il fixa Kyo avec une intensité que ce dernier n’avait pas retrouvée dans ses mots ni jusque-là. Il avait détaché chaque syllabe avec une rigueur « scolaire », comme s’il faisait la leçon à sa classe, comme s’il parlait à un enfant, calmement. Son regard trahissait sa colère et un sentiment de trahison qui réveillait plus violemment encore la douleur qui avait déjà tiraillé le flanc gauche du plus âgé trop de fois. Pourtant il se sentait rassurer de voir que derrière ses murs, ses barrières qui les séparaient plus efficacement encore que des milliers de kilomètres et un océan, Mizuki restait Mizuki, le gamin qui ressentait pleinement ses émotions mais qui ne les exprimait pas encore assez à son goût.
Alors, pour la première fois depuis longtemps, Kyo Saga baissa les yeux. Pour la première fois depuis longtemps, Kyo Saga se sentit minuscule face à Mizuki Yanase.
 
Il ne rétorqua rien. Il acquiesça juste.
 
La suite fut relativement floue. Peut-être parce que sa vision le devenait à mesure que ses yeux lui piquaient. Il avait bien réussi à ravaler ses larmes, le temps de sortir de la pièce sous le regard implacable de Mizuki mais une fois qu’il fut à l’extérieur de la bâtisse, face à la route il ne put en retenir quelques-unes.
Du grandiose, du grand Kyo Saga. Pourquoi ? Hein, grand con là-haut ? Pourquoi ?
Dieu ne lui donna pas de réponse. C’est pas comme si je croyais en toi du gland. Un groupe de collégiennes passa à côté de lui et elles se mirent à ricaner en cœur, de manière tellement grinçante et aigue qu’il en avait déjà mal au crâne. Merci, fils de pute.
Kyo lui donna une réponse, un gros majeur dans son cul.
Il partit au même moment que la pluie avait choisi pour commencer à tomber, comme pour laver l’obscénité de son geste.
Le monde se foutait de sa gueule.
 
C’est comme ça qu’il avait fini par retourner en centre-ville, suivant le soleil dans sa course jusqu’au crépuscule. Ce n’est qu’une fois la nuit tombée qu’il vagabonda de bar en bar, de boîte en boîte, de verre en verre et de lèvres en lèvres, et tout sonnait tellement faux et juste à la fois qu’il n’avait pas trouver le courage d’arrêter.
Parfois il redevenait lucide, parfois il repoussait la fille assise lascivement sur sa cuisse et l’insultait jusqu’à perdre la voix parce que c’était faux. Mais le reste du temps, il n’était plus là pour réfléchir et il touchait et il prenait et il embrassait des étrangers et c’était l’image d’un garçon avec un stupide col-roulé et un air autoritaire qui lui venait à l’esprit et soudainement tout lui paraissait si juste.
Lumières, sons, fumée, odeurs, couleurs, chaleur, personnes, alcool. Alcool. Il avait beau essayé, il n’arrivait pas à aller plus loin que ce mot, dans sa tentative peu fructueuse de décrire son environnement. Tout était flou, désordonné, un mélange complexe qui papillonnait devant ses yeux, brouillant ses sens jusqu’à la sensation désagréable qui lui engourdissait la langue. Dans un moment de lucidité, il aurait juré qu’il s’agissait de la saveur poivrée de la téquila, mélangée à autre chose. D’autres choses.
Cette pensée suffit à lui faire tourner la tête un peu plus et il se sentit contraint de partir à la recherche du dehors. Le fou se transforma alors rapidement en trou noir et si ses sens ne le trompaient pas, il aurait juré qu’on l’avait frappé sur tout l’avant du corps avant que tout ne devienne rien.


Dernière édition par Derp le Sam 30 Jan - 18:17, édité 7 fois
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MessageSujet: Re: Infinity on High   Infinity on High EmptyMar 26 Jan - 14:15

(Part II)


Lorsque Kyo ouvrit les yeux, il fut accueilli par une lumière aveuglante qui ne lui arracha qu’une plainte faible et brisée. Il se couvrit le visage avec son bras et la luminosité ambiante devint bien vite un problème secondaire.
Il avait mal partout, son corps entier lui hurlait de ne pas initier le moindre geste, d’oublier l’idée même de se lever et si possible de retourner dans un coma profond où la douleur se dissiperait ne serait-ce qu’un peu. Il tenta pourtant de se redresser, mais son corps ne lui répondit que par une douleur soudaine et vive au niveau du crâne. Il ne fallut pas longtemps avant qu’il ne sombre à nouveau, porté parce qu’il pensait être une voix de femme.
 
 
Le deuxième réveil fut plus doux, moins agité et définitivement moins douloureux. En fait, Kyo ne sentait pas vraiment son corps, tout était engourdi, ce qui lui donnait le sentiment agréable quoi que déboussolant de flotter sur un nuage. Le blanc immaculé de la chambre ne fit que le conforter dans son délire et il se sentit profondément détendu.
Il sentit alors une main chaude sur son front, sur sa joue, puis dans ses cheveux. C’était une petite main, avec des petits doigts fins et graciles. Kyo repensa à la petite Amy et sa tête lui fit mal de nouveau.
 
▬ Chut… Reste tranquille…
 
La voix n’était qu’un murmure, si faible et si doux qu’il aurait cru halluciner si cette main ne continuait pas de caresser son visage avec une tendresse maternelle. C’était une femme, une jeune femme, à la peau douce et Kyo aurait plaisanté en disant qu’il était déjà amoureux d’une main si quelque chose ne le dérangeait pas. Comme une démangeaison dans sa mémoire et il était incapable de mettre le doigt dessus. Au lieu de ça il décida d’ouvrir complètement les yeux et il fut accueilli par une douce pénombre, agréable et accommodante ainsi qu’un visage souriant dont il ne pouvait pas distinguer précisément les traits.
 
▬ Emiko… ?
 
Si la voix de la jeune fille était un murmure, la sienne était un silence. Lui-même s’était tout juste entendu, mais il semblerait que sa tentative seule fut suffisante pour attirer son attention.
 
▬ Bon retour chez les vivants, Nii-san.
 
Bizarre, Kyo pensa, j’aurai juré être au paradis.
Mais il ne prêta que peu d’attention à cette pensée, ni même à sa tentative peu fructueuse de retrouver des fragments de sa mémoire. Il se contenta de sourire (un peu, parce que les muscles de ses lèvres ne pouvaient pas faire plus dans son état actuel) et pour la première fois depuis longtemps, Kyo eut le sentiment que tout allait pour le mieux.
Même s’il aurait aimé distinguer clairement son visage, voir à quel point elle avait grandi, changé, il se contenta de ce qu’il avait à cet instant et cela lui semblait plus que suffisant.
 
▬ N’essaye pas de parler. Ca va réveiller la douleur.
 
Murmura-t-elle en dégageant son front de quelques mèches et son sourire, ce sourire, était une raison suffisante justifier tout ce chemin fait depuis le fin fond de la Californie.
 
▬ Je dois partir dans pas longtemps, je vais être brève. Mizuki-san ne doit pas savoir que je suis ici.
 
Un nom. Une claque. Et c’est comme si Kyo retrouvait pleine possession de ses moyens de la pire façon qu’il soit. Ses nerfs étaient en feu, sa mémoire limpide et soudain tout devenait horriblement clair.
Kyo aurait préféré oublier définitivement sa rencontre avec Mizuki hier, la réceptionniste avec ses mot-croisés et cette fille qui refusait de dégager de sa jambe. Il aurait préféré ne pas se souvenir du moment où sa tête à heurter le sol, du moment où il s’est allongé dans une rue et à hurler aussi fort qu’il pouvait, du moment où il s’est réveillé dans un lit d’hôpital avant de sombrer de nouveau.
Kyo aurait tué pour que ce moment reste un beau moment et non un dur retour à cette salope de réalité.
 
▬ Kyo ?
 
La voix inquiète d’Emiko le sortit de sa brève absence et il leva les yeux vers elle d’un air qui se voulait désoler et rassurant. Tout va bien, il avait envie de lui dire, je suis content que tu sois ici.
 
▬ Je vis avec Mizuki-san maintenant alors tu n’as pas besoin de t’inquiéter. Mais je pense qu’il vaudrait mieux que tu partes, il est rentré à la maison en colère quand il t’a vu la semaine dernière. J’ai bien cru qu’il allait tout casser.
 
Il n’y avait que Kyo pour comprendre pourquoi cette pensée arracha un rire nerveux à Emi. Ça c’était Mizuki, son Mizuki. Et sa petite Emi était avec lui et elle n’était pas fâchée et elle allait bien et elle était sous la protection d’une bonne personne, la meilleure personne pour Kyo.
Tout n’était peut-être pas si mal, finalement.
 
▬ J’ai mis mon numéro dans ton téléphone et l’adresse de la maison aussi. Je t’appellerai pour que tu viennes un jour, quand Mizuki-san sera à l’école.
 
Elle présenta rapidement le téléphone sur le chevet, accompagné d’un petit bout de papier puis elle s’empressa alors de rassembler ses affaires et se dirigea ensuite vers Kyo pour l’embrasser sur le front.
 
▬ Repose-toi Nii-san. Je t’aime.
 
Elle était partie.
Mais Kyo savait qu’il n’avait pas rêvé, il sentait encore ses lèvres sur son front et c’est un contentement étrange qui lui réchauffait la poitrine.
Pour la première fois depuis longtemps, Kyo Saga avait espoir. Il ne savait simplement pas en quoi. Pas encore.
 
 
Kyo n’avait pas imaginé que les choses prendraient cette tournure.
Il était là, enfermé dans une salle de bain qui n’était pas la sienne avec des hématomes sur tout le corps à regarder son reflet dans le miroir et cette cruelle sensation qu’il avait ressenti des semaines auparavant, ce drôle de mélange entre juste et faux revenait bouillir sur le dessus de sa conscience.
C’était et ce n’était pas Mizuki. C’était un condensé de rage et d’émotions pures et incontrôlables, un flot continu qu’on n’arrête pas et qui s’était brisé plus facilement qu’une coquille d’œuf. Ce n’était pas le gamin plein de gentillesse avec le cœur dans ses manches qui rougissait pour un tout ou un rien. Etait-il amoureux de ce gamin-là ?  Oui. D’une manière guimauve et écœurante et enfantine, avec pour seule intention de le chérir et de le couvrir de baisers et d’amour. Etait-il amoureux de cet homme-là ? Oui. D’une manière sale et enivrante et charnelle, avec ce besoin constant de se faire empoisonner un peu plus à chaque bouffée d’oxygène qu’il pouvait partager avec lui.
Et ça, tout ça, c’était aussi juste que faux et Kyo ne savait plus s’il avait envie de sortir de là.
 
5h plus tôt.
 
Une semaine après sa sortie de l’hôpital, Emiko l’avait contacté plusieurs fois pour prendre de ses nouvelles. Ils avaient eu l’occasion de rattraper un peu de temps perdu, à se raconter des anecdotes, à parler de tout et de rien et Kyo avait trouvé une certaine monotonie à prendre son téléphone chaque soir, attendant un appel de sa petite sœur pour parler pendant une heure ou deux.
Il avait appris qu’Emiko voulait faire des études de médecine, elle voulait aider les gens et apprendre à soigner les maladies et les blessures pour ne plus avoir à perdre qui que ce soit (Kyo se demanda pourquoi il n’y avait pas pensé lui-même, peut-être qu’il aurait pu faire quelque chose pour maman ou pour Tori. Qui sait). Il apprit également qu’elle habitait avec Mizuki depuis que ce dernier était majeur, qu’il avait pris soin d’elle avant, même lorsqu’elle était encore au foyer (comme Kyo aurait dû le faire).
C’était confortable, terriblement domestique et confortable et Kyo aimait ça.
Hélas, il n’était pas rare que la réalité revienne s’imposer dans leurs échanges quotidiens, généralement par une interruption brutale de la communication dont il connaissait les motifs, le motif. Mais parfois Emiko n’était pas assez rapide, elle se contentait de cacher son téléphone et il pouvait entendre sa voix au travers du combinée.
Lorsqu’il parlait à Emi, Mizuki adoptait un ton particulier, un ton que Kyo connaissait pour l’avoir lui-même employé. C’était celui d’un grand frère, qui s’inquiétait, qui aimait, qui taquinait parfois et entendre tant que bonnes choses dans cette voix, envers sa petite sœur, ramenait cette chaude sensation dans la poitrine qu’il avait ressenti lorsqu’Emi était venue le voir à l’hôpital.
 
Au bout d’un mois de communications clandestines, la jeune femme proposa à son frère de venir lui rendre visite, un soir où elle avait la maison pour elle et Kyo ne pensa pas une seconde à dire non.
 
Ce n’était pas un grand appartement, mais c’était un espace confortable pour deux personnes. C’était étonnement bien rangé (même si Kyo redoutait qu’Emi soit derrière cet aménagement impeccable), plutôt confortable et quelque part au fond de sa tête, il avait envie d’associer ce décor au mot foyer. C’est dans ce genre d’environnement qu’il aurait voulu prendre soin d’Emi et cette fantaisie était devenue en partie réelle grâce à Mizuki. Pas grâce à Kyo.
Voilà toute la limite entre ses rêves et la réalité.
Il ne se laissa pas aller à de sombres pensées, il n’y arrivait pas, pas quand Emiko souriait comme ça et lui faisait faire le tour du propriétaire avec un enthousiaste adorable et qu’elle lui montrait toutes les petites choses qu’elle aimait et qu’elle ne pouvait retenir son excitation à l’idée de lui montrer la suite. Parfois, elle désignait les effets personnels de Mizuki et Kyo sentait son cœur battre plus vite lorsqu’il avait la possibilité de mettre les doigts dessus. Un manteau, une écharpe (celle qu’il portait, la dernière fois), un livre, n’importe quoi suffisait à lui faire sa petite secousse et il se sentait retomber à l’adolescence où un rien faisait naître des papillons dans le bas de son ventre. Tout ça, c’était si intime et personnel et la chambre de Mizuki il avait le sentiment de franchir un seuil interdit et pourtant il était là et il regardait et il se sentait stupide de chercher quelque chose là où il n’y avait rien.
 
Le reste de la soirée se déroula aussi paisiblement que Kyo aurait pu l’espérer et tout aurait pu aller pour le mieux, du dîner au film vautré dans le divan, si un bruit de clef ne l’avait pas tiré de sa torpeur, alors qu’il s’endormait sur l’épaule d’Emiko.
 
Ils sursautèrent au même instant, se regardèrent comme deux enfants pris la main dans le pot de cookies et pendant un instant, Kyo songea à jouer le rôle de l’amant ridicule supposé sauter par la fenêtre avant d’être pris sur le fait. Bémol, l’appartement était au troisième étage et assez curieusement, Kyo n’était pas très enclin au suicide.
Il décida donc de se donner un peu de contenance, priant en son for intérieur pour que la confrontation ne soit pas trop brutale.
Il s’attendait à de nombreux cas de figure, majoritairement à ceux qui comprenaient un Mizuki hors de lui, prêt à le foutre dehors à gros coups de pompe dans mon cul délicat. Mais pas à un seul moment il avait pensé que le jeune homme rentrerait ivre dans les bras d’un autre homme qui n’avait aucune vergogne à lui ravir la bouche comme s’ils étaient seuls au monde.
Emiko échappa la bouteille d’eau (en verre) qu’elle tenait entre les mains et le choc contre le carrelage suffit à ramener toute l’assemblée à un semblant de concret.
 
▬ Daishiro ?
 
De toute évidence, Emiko le connaissait.
Le dénommé Daishiro daigna au moins dégager sa langue et ses sales pates de Mizuki qui n’avait toujours pas enlevé la clef de la serrure.
 
▬  C’est un de mes camarades de classe. Qu’est-ce qu’il fait ici ?
 
La jeune femme ne semblait pas furieuse. C’était plus terrifiant que cela et jamais, jamais Kyo n’aurait cru la petite Emiko qui pleurait à chaudes larmes devant un Walt Disney quelques minutes plus tôt capable d’avoir l’air si adulte et fâchée et bordel, si la situation n’était pas aussi alambiquée il aurait été fier.
Il en fallait cependant plus pour intimider Mizuki qui semblait soudainement plus sobre, plus lucide et plus composé. Il pointa Kyo du doigt (quelqu’un a oublié la politesse, de toute évidence) en rétorquant les mêmes mots que la jeune femme avait employé :
 
▬  Qu’est-ce que lui fait ici ?
 
Kyo comprit alors que lui et Daishiro n’étaient rien de plus que de vulgaires éléments du décor. Ni Mizuki ni Emiko ne leur prêtèrent la moindre attention et rapidement la légère irritation fit place à des haussements de voix puis à des cris ; des arguments que ni lui ni son compagnon de fortune (pour lequel il était incapable de sentir la moindre forme de compassion) ne pouvaient comprendre. Au bout du compte, la bouteille d’eau n’était plus le seul dommage collatéral de cette soirée quelque peu mouvementée.
Il aurait aimé pouvoir initier une retraite stratégique mais Emi le clouait du regard à chaque fois qu’il esquissait un geste. Au lieu de ça il se fit tout petit et il resta à sa place de malheureux spectateur.
Il se surprit alors à prêter attention aux petits détails, à la manière dont Daishiro se balançait stupidement d’un pied à l’autre comme un parfait abruti, la manière dont la veste de Mizuki avait glissé de ses épaules pour venir s’échouer sur le sol et la manière dont Emiko appuyait sur les mots famille et pardon dans chacune de ses phrases.
 
C’est Emi qui mit fin à cette mascarade la première. Elle traina Daishiro derrière elle en déclarant d’un air décidé :
 
▬ Je le ramène chez lui. Profitez-en pour parler comme des adultes civilisés.
 
La porte claque brusquement et une bizarre sensation de déjà-vu fit frissonner Kyo de tout son long. La différence, c’était le Mizuki auquel il avait affaire. Ce n’était pas l’adulte calme et composé qui lui avait poliment demander de disparaître de sa vie. C’était une tornade qui n’attendait qu’à être lâchée pour faire plus de dégâts encore. Le regard qu’il posa sur Kyo était d’un tout autre niveau d’intensité que ce à quoi il avait eu le droit jusque-là. Si la dernière fois il s’était senti oppressé, cette fois-ci il avait oublié comme respirer.
L’espace d’un instant, il crut que le plus jeune s’apprêtait à le frapper, à lui hurler dessus. Au lieu de ça il soupira longuement, dans l’espoir sans doute de retrouver un semblant de maîtrise, tout en passant une main dans ses cheveux.
 
▬ Je t’ai dit de rester loin de nous Kyo, pourquoi tu n’écoutes jamais.
 
Lorsque Mizuki ouvrit la bouche pour parler, Kyo échappa un soupir qu’il retenait sans même s’en rendre compte.
Les revoilà, les murs, ceux qu’il essayait d’ériger entre eux. Cette idée faisait peut être plus mal qu’un coup de poing, finalement et Kyo se sentait presque nostalgique du temps où sa mâchoire n’était qu’une bouillie incohérente d’os et de Dieu ne sait quoi.
 
▬  C’est Emiko qui a tenu à ce que je vienne.
 
La grimace sur le visage de Mizuki en disait plus long encore que s’il avait ouvert la bouche pour l’insulter. Le plus jeune n’était certainement pas dupe, il savait qu’Emi ne lui en voulait pas, pas le moins du monde mais l’entendre de la bouche du coupable sembla raviver sa rage l’espace de quelques courts instants.
Kyo y vit une brèche et s’y engouffra sans même s’en rendre compte.
 
▬  Je t’ai blessé, d’accord. Tu ne veux plus me voir, d’accord mais ne m’empêche pas de la voir. Tu n’as pas le droit.
 
Mizuki laissa aller un grognement agacé. Il lui tourna le dos, commençant à faire les cent pas entre le hall d’entrée et le salon.
 
▬  Parce que tu crois que je vais te laisser lui faire du mal à elle aussi ?
 
A un autre moment, dans une toute autre situation, Kyo aurait été heureux d’entendre ses mots, de savoir que quelqu’un était là pour protéger Emiko contre le monde. Il ne ressentit pourtant que de la frustration ; encore une fois c’était lui qui devait endosser le rôle du grand méchant loup, encore une fois c’était lui le mauvais bougre.
 
▬ Je n’ai jamais eu l’intention de lui faire du mal, tu le sais très bien.
 
▬ Tu n’avais pas l’intention de me faire du mal non, que je sache.
 
Emiko n’a jamais été le sujet de cette conversation.
 
▬ Quoi ?
 
▬ Tu crois que ça ne m’a rien fait, quand tu es parti sans même prévenir ?
 
La frustration laissa place à quelque chose d’autre, de la confusion peut-être. Kyo n’aurait pas su le nommer mais il savait que c’était ce sentiment qui lui nouer l’estomac et qui lui donnait l’impression qu’un élément manqué pour qu’il puisse relier les points. Il avait besoin de savoir pourquoi soudainement Mizuki ne paraissait plus si grand, si dangereux, si imposant. Au contraire, il paraissait subitement vulnérable et perdu ? et ça, ça c’était son Mizuki.
 
▬ J’ai pas eu le choix je…
 
▬ Ne cherche pas d’excuses, tu m’as laissé derrière avec ta merde. Tu m’as fait mettre un pied dans tes emmerdes, tu m’as mis en danger et tu t’es cassé sans même te soucier des conséquences.
 
 Ca n’avait pas de sens. Kyo avait veillé à laisser Mizuki en dehors de tout ça. Il avait fait attention. Personne n’aurait pu faire le lien entre eux. Mizuki n’a jamais été en danger. Jamais Kyo n’aurait pensé à mettre Mizuki en danger.
 
▬ Tu ne risquais rien !
 
▬ Tu n’imagines même pas le nombre de fois où les gens sont venus me trouver pour te trouver, le nombre de fois où m’a menacé parce que Kyo Saga, lui, était introuvable.
 
Non…
 
▬ J’en savais rien.
 
Ce sont des conneries.
 
▬ Tu risquais pas de savoir, ça t’a pas effleuré l’esprit une seule seconde, pas une seule.
 
Des conneries.
Le silence était redevenu maître dans la pièce. Il n’avait pas besoin de dire un seul mot, le message était clair. Il était fatigué de tout ça, Kyo aussi était fatigué. Il voulait simplement se coucher quelque part, sur le sofa peut être, prendre Mizuki contre lui et prétendre que tout allait bien et que personne n’était jamais parti. L’idée était séduisante.
 
▬ Tu sais pourquoi j’ai pris soin d’Emiko pendant ces quatre ans ?
 
Sa voix était tremblante, comme un sanglot et c’était bel un bien un sanglot. Kyo avait d’autant plus envie de faire semblant. Faisons comme si tout allait bien. L’idée ne franchit jamais le seuil de ses lèvres, elle resta coincé dans sa gorge nouée parce qu’il avait peur, peur de connaître la réponse à cette question.
 
▬ Je ne voulais pas prendre le risque qu’elle devienne comme toi.
 
La petite chaleur à la poitrine (l’espoir) n’était pas prête de revenir et Kyo se sentit soudainement épuisé.
 
▬  Pars maintenant. Je dois ranger avant qu’Emi revienne.
 
C’était son moment pour quitter les lieux, disparaitre définitivement de la vie de Mizuki et arrêter de le faire souffrir. C’était si simple en théorie, si simple et pourtant passer le seuil de la porte lui semblait insurmontable.
Il n’avait pas envie de partir. Pas avant de savoir s’il pouvait continuer à espérer.
 
▬ Ce Daishiro… Vous êtes… ?
 
▬ En quoi ça t’intéresse ?
 
Il répondit rapidement, comme par réflexe, mais son ton ne reflétait pas la dureté de ses mots. C’était un soupir las et épuisé qu’il avait laissé échapper, tandis qu’il ramassait à mains nus les morceaux de verre, à genoux sur le sol.
 
▬ Tu sais pourquoi.
 
Le silence s’imposa quelques secondes, le temps que Mizuki soupire un grand coup (pour se calmer, certainement) avant de répondre d’un ton qui se voulait très certainement détacher mais qui ne ressemblait qu’à un abandon, une dernière parole qu’on prononce lorsqu’on n’attend plus rien de la vie.
 
▬  Non. De toute évidence tu n’étais pas sincère lorsque tu disais qu’il y avait quelque chose entre nous.
 
Et là, Kyo savait, savait qu’il aurait dû faire demi-tour, lui prouver qu’il avait tort, qu’il n’avait jamais été aussi sincère que lorsqu’il lui avait dit je t’aime. Il aurait dû courir vers lui, le prendre dans ses bras et s’excuser jusqu’à ce qu’il ne reste plus une once de douleur dans cette voix, plus de colère, plus rien de mauvais. Il aurait dû faire tout ça, il aurait voulu mais il préféra partir parce qu’il savait, au fond, qu’il n’avait rien fait pour donner du sens à ses mots ni une raison pour Mizuki de le croire.
Il tourna le dos et jamais ça n’avait été si douloureux de s’apprêter à abandonner quelqu’un.
 
On ne lui laissa pas la chance de se défiler. Peut-être qu’il avait eu une occasion, quand Mizuki lui avait dit de partir mais il ne l’avait pas saisi assez tôt et quelque part, bien au fond, il n’aurait pas souhaité pouvoir sans tirer à s’y bon compte.
Il sentit une main saisir son poignet, sa main, brusque et décidée qui lacerait la sienne et merde. Il n’arrivait pas à penser à la douleur, quoi que son visage se soit figé en une grimace comme par reflex. Il n’arrivait à penser qu’à la chaleur qu’y en irradier, qui le brulait à vif. Il pensait à la douceur de ses mains, comme celles d’Emiko et cette idée l’aurait fait rire si son corps tout entier n’était pas en train de se consumer sur lui-même face à cette main et ce regard et ce corps et cet homme tout entier.
Mizuki ouvrit la bouche, comme s’il s’apprêtait à dire quelque chose, mais son hésitation fut plus brève que le temps qu’il fallut à Kyo pour réaliser que ses lèvres étaient sur les siennes et il ne pouvait se résoudre qu’à penser à quel point il se sentait à sa place à cet instant. Ils étaient bien loin des baisers chastes qu’ils s’étaient échangés en veillant que personne ne les regarde, bien loin de la timidité et de la pudeur et même de la douceur que Kyo attendait sans réellement attendre. C’était un autre registre, c’était brutal, lorsque Mizuki le ramena à l’intérieur pour fermer la porte et le plaquer contre c’était brutal. Si le ressentiment avait un goût, c’était celui de ses lèvres qui le maltraitaient sans ménagement. C’était le goût de vodka, majoritairement et d’autre chose que Kyo ne pouvait appeler que Mizuki.
A cet instant Kyo oublia que la langue d’un autre se trouvait dans cette bouche il n’y a pas si longtemps que ça, il oublia ce qui allait, ce qui n’allait pas jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un prénom flottant dans sa mémoire, exprimé en gémissements étouffés. Kyo ne s’en rendit pas non plus compte, de ses doigts qui avaient lâché sa main pour agripper ses épaules, ses hanches, si fort que des traces en subsisteraient sans doute. Il ne réalisa que lorsque cette bouche, cette satané bouche quitta la sienne pour s’aventurer plus bas, plus loin, dans son cou et d’autres endroits dont les noms lui échappaient complètement.
Des dents ? C’était des dents qu’il sentait ? Et oh mon dieu, ça. Ça c’était une langue et si elle n’était pas revenue dans sa bouche, Kyo croit que le voisinage tout entier l’aurait entendu.
 
Le souci de ce genre d’instant, c’est que notre conscience est happée dans un autre monde et Kyo était intimement persuadé que la sienne venait de franchir le pas de la porte de la luxure dans son aspect le plus viscéral.  L’expression « exquise douleur » prenait une dimension tout à fait inédite dans son esprit et il aurait pu se perdre dans la sensation pendant des heures, des jours, toujours. Et que ça ne s’arrête jamais.
Hélas, les choses ne vont pas souvent comme on le voudrait et Kyo le réalisa trop tard (ou trop tôt, à son goût), lorsqu’il sentit la porte bougée contre son dos. La chute fut brutale. Pour les deux. Toute trace de désir venait de s’évanouir du regard de Mizuki qui venait de le délester de son haut pour n’être remplacé que par de la confusion et peut être une pointe de culpabilité. Outch.
Il se pencha rapidement pour ramasser les vêtements de Kyo et les pousser dans ses bras.
 
▬ Salle de bain. Maintenant.
 
Il n’y trouva rien à redire et se hâta dans la direction indiquée, le temps que le plus jeune trouve un peu de contenance pour ouvrir à la jeune femme, de retour de son escapade nocturne.
 
Kyo n’avait pas imaginé que les choses prendraient cette tournure.
Il était là, enfermé dans une salle de bain qui n’était pas la sienne avec des hématomes sur tout le corps à regarder son reflet dans le miroir et cette cruelle sensation qu’il avait ressenti des semaines auparavant, ce drôle de mélange entre juste et faux revenait bouillir sur le dessus de sa conscience.
C’était et ce n’était pas Mizuki. C’était un condensé de rage et d’émotions pures et incontrôlables, un flot continu qu’on n’arrête pas et qui s’était brisé plus facilement qu’une coquille d’œuf. Ce n’était pas le gamin plein de gentillesse avec le cœur dans ses manches qui rougissait pour un tout ou un rien. Etait-il amoureux de ce gamin-là ?  Oui. D’une manière guimauve et écœurante et enfantine, avec pour seule intention de le chérir et de le couvrir de baisers et d’amour. Etait-il amoureux de cet homme-là ? Oui. D’une manière sale et enivrante et charnelle, avec ce besoin constant de se faire empoisonner un peu plus à chaque bouffée d’oxygène qu’il pouvait partager avec lui.
Et ça, tout ça, c’était aussi juste que faux et Kyo ne savait plus s’il avait envie de sortir de là.
 
Il entendit des bribes de conversation, étouffées par le bruit de l’eau qu’il avait laissé couler. Mizuki semblait calme. Etonnamment calme. Il expliqua simplement que Kyo pouvait rester jusqu’au lendemain, qu’il ne s’interposerait plus entre lui et Emiko si c’est ce qu’elle souhaitait mais qu’il ne voulait pas le voir pour autant.
Kyo ne savait pas quoi en penser, pas après ce qu’il venait de se passer mais il préféra ignorer la douleur qui lui lacérait la poitrine pour glisser sous la douche (froide) et il resta, jusqu’à qu’il n’y ait plus rien que le bruit de l’eau résonnant dans l’appartement et que la chaleur qui lui brûlait les entrailles ne soit plus rien d’autre qu’un souvenir confus.


Dernière édition par Problem Child le Sam 30 Jan - 18:02, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Infinity on High   Infinity on High EmptyMar 26 Jan - 14:17

(Part III)


Le lendemain, ni Kyo ni Emiko n’étaient à la maison. L’appartement était de nouveau propre et rangé, comme si Mizuki ne s’était jamais mis en tête de briser toute la vaisselle.  Le plus âgé ne chercha pas à revenir, pas en la présence du plus jeune en tout cas et Emiko se montra distante, si ce n’est évasive envers la personne qui avait veillé sur elle pendant quatre ans. Paye ta gratitude.
Cela dit, Mizuki essayait de ne pas être amer sur toute cette histoire, parce qu’il pouvait comprendre leurs raisons. Il refusait simplement de l’admettre.
Il s’était donc mis en tête de vivre sa routine sans paraître affecter le moins du monde par ce qu’il s’était passé ce soir-là.
 
La vérité, c’est qu’il n’avait pas été si saoul qu’il aurait voulu le croire. Il était même plus que conscient de ses actions et mots, même lorsque Daishiro l’avait convaincu de le « raccompagner » jusqu’à chez lui. La suite, il préférait prétendre que ça n’était jamais arrivé. Mais comme pour tout, Mizuki était incapable de mentir et essayer de s’illusionner était devenu impossible à partir du moment où il avait plaqué Kyo contre cette foutue porte.
 
Une chose curieuse et agaçante avec les désirs, les plus primaires que nous possédons et que nous associons au mot « besoins », c’est avec quel mécanisme pervers notre corps finit par les transformer en obsession, du peu qu’on cherche à les négliger. On ne finit alors par ne penser à rien d’autre et tous les moyens de parvenir à  une forme de satiété ne paraissent ni trop fous, ni trop démesurés. C’est ce que Mizuki ressentait, pas avec la soif ou la faim ou quoi que ce soit qui s’y apparente. C’était plus complexe, plus dur à obtenir ; ça avait de grands yeux bleus et le sourire du diable.
La première semaine, il y songea, souvent, mais n’avait pas de mal à repousser ce genre de pensées. Il n’avait qu’à secouer la tête, se concentrer sur ce qu’il faisait et la magie cessait de faire son effet. La deuxième semaine, il s’était surpris plusieurs fois à imaginer ce qui aurait pu se passer, si Emiko était arrivée plus tard, en plein jour comme dans ses rêves, et bien que ce fut particulièrement déstabilisant, il était simple de prétendre que ses absences étaient dû à autre chose. Or la troisième, il fut contraint de quitter sa classe à deux reprises, prit de court par la mémoire de son corps qui lui imposait la sensation fantôme des lèvres de Kyo sur les siennes et un bruit lointain dans l’arrière de son crâne qui s’apparentait à des gémissements étouffés. Ouvrir une porte lui paraissait être le geste le plus obscène qui soit et il se sentait subitement comme un assoiffé, essayant de se souvenir désespérément du goût de l’eau à défaut de pouvoir en boire.
Son cas n’allait certainement pas en s’améliorant.
 
Il ne fallut pas longtemps pour qu’Emiko se remette à sourire et à lui parler, comme avant. Il ne fallut pas longtemps pour qu’elle ne commence à appeler Kyo lorsque Mizuki était à la maison. Il ne fallut pas longtemps non plus pour que Kyo revienne, parfois de passage parfois pour la soirée et que Mizuki se trouve pris au milieu d’une complicité domestique qui semblait s’être déjà installée entre le frère et la sœur.
C’était inconfortable, au départ. A cause des souvenirs et de la rancœur et de la gêne aussi parce qu’il ne pouvait pas le regarder, même furtivement sans se demander si les marques, ses marques étaient restés sous ce sweat capuche trop grand et délavé. Alors Mizuki passait le plus clair de son temps dans sa chambre ou dans la cuisine et limitait ses interactions à quelques brèves civilités. Quelques soirées et il lui arrivait de se mettre dans un coin du salon, sur la table où il corrigeait quelques copies et d’où il entendait les conversations sans vraiment y prêter attention. Quelques autres soirées où Emiko venait le chercher, le trainait par le bras pour le forcer à regarder un film ou manger avec eux.
C’était inconfortable certes, mais il avait l’impression de pouvoir boire un peu, quelques gouttes et il était assez raisonnable pour se convaincre que c’était suffisant pour l’instant.
Il y eu même quelques soirées, rares soirées où il les rejoignait sans un mot et d’autres où il préparait le dîner et les grondait tous les deux parce qu’ils étaient en retard et que je me suis cassé le cul pendant une heure alors asseyez-vous et magnez-vous de manger avant que ce soit froid.
Et puis il y avait les autres soirées où personne n’était à la maison, sauf lui, et il était intimement persuadé que s’il se mettait à parler, l’écho lui répondrait. Ses soirées-là terminaient généralement sous la douche où il était contraint d’évacuer sa frustration, même s’il avait horreur de ça.
 

Les samedi matins avaient cet avantage indéniable que de pouvoir rester au lit, longtemps et surtout sans être dérangé. Emiko avait cours, Mizuki possédait la maison pour lui seul et en profitait généralement pour s’offrir une cure de sommeil grandement méritée (cure qu’il prolongeait parfois au dimanche, ce qui arrivait plus fréquemment à mesure que les vacances scolaires se rapprochaient). Ce samedi en particulier, Mizuki n’avait même pas eu le courage de sortir du lit pour manger quelque chose, préférant la tiédeur de sa couette à l’hostile environnement qui l’attendait en dehors de son lit.
Il reposait du sommeil du juste, comme assommé par une semaine interminable à s’occuper de bambins surexcités (il les aime, mais franchement), sans rêve, sans cauchemar juste du repos et c’était parfait. Juste parfait. Si seulement quelque chose ne s’était pas allumée dans la maison.
Quoi ? Sur le coup, il aurait été incapable de le dire, encore dans les méandres d’un sommeil si brutalement interrompu. Mais en tendant l’oreille et en cessant de grommeler dans le vide, il croyait discerner de la musique. Beyoncé ? Vraiment ?  Mizuki n’avait rien de particulier contre Crazy in Love mais dès le matin, il avait un peu de mal à digérer sa voix lascive et était-ce supposer être sexy ?
Après s’être motivé, grandement aider par la violence du refrain sur ses oreilles délicates (et pourtant entraîner quotidiennement à grand moyen de hurlements d’enfants), il piétina jusqu’à la source du bruit ; la chambre d’Emiko. Il y trouva son téléphone (qu’elle avait visiblement oublié en partant ce matin, la malheureuse) qui affichait très clairement et en tout lettres NII-SAN ♥♥♥♥.
Même avec la tête dans le coltard, Mizuki savait très bien de qu’il s’agissait et à défaut d’avoir envie de répondre, il décida d’envoyer un message. Pas par politesse, simplement parce qu’il connaissait l’animal et que s’il ne répondait pas il allait encore devoir supporter les plaintes d’une femme qui a fortement envie de s’envoyer en l’air avec Christian Grey.
 
De : Moi
Envoyé à 11h23
 
Emiko a oublié son téléphone à la maison
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h24
 
C’est qui ?
 
A ton avis du con ?
 
De : Moi
Envoyé à 11h25
 
Mizuki
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h26
 
Ok
 
Quelle éloquence. Mais Mizuki ne s’en formalisa pas (un peu), parce que cela voulait dire qu’il pouvait retourner se coucher sans risquer d’être interrompu et dormir et revoilà la sonnerie du téléphone ?
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h28
 
Elle rentre quand ?
 
De : Moi
Envoyé à 11h29
 
Idk
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h30
 
?
 
De : Moi
Envoyé à 11h31
 
Je sais pas
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h32
 
Ok
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h35
 
Tu fais quoi ?
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h40
 
Mizuki ?
 
De : Moi
Envoyé à 11h41
 
J’essaye de dormir
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h42
 
Ok
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h43
 
Ça va ?
 
Si ça ne se voyait pas suffisamment, Mizuki était déjà en train de bouillir en fixant l’écran de ce téléphone qui ne lui appartenait même pas et il savait, il savait qu’il n’avait qu’à le poser ou couper le son et retourner dans son lit mais non il restait là à fulminer (avec une envie certaine de hurler KYO SAGAAAA avec toute la frustration de ce bas monde) parce que cet abruti lui tenait la jambe alors qu’il avait explicitement dit qu’il voulait pioncer. Pourquoi ?
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h48
 
Je te dérange ?
 
Sérieusement ?
 
De : Moi
Envoyé à 11h49
 
Peut être
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h51
 
Tu veux pas utiliser ton téléphone
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h52
 
Au lieu de celui de ma sœur
 
De : NII-SAN ♥♥♥♥
Reçu à 11h54
 
T’as un téléphone ?
 
C’est une façon détournée de demander mon numéro c’est ça ? Mon dieu c’est mauvais, mon dieu.
 
De : Moi
Envoyé à 11h55
 
Ok
 
Mon dieu Mizuki qu’est-ce que tu fous ? Fut la pensée la plus proche de ce qui traversa son esprit tandis qu’il était parti récupérer son propre cellulaire pour enregistrer son numéro sous le moins doux nom de Trou du cul (ou Asshole, pour les anglophones).
 
De : Moi
Envoyé à 11h59
 
Voilà
 
De : Trou du cul
Reçu à 12h00
 
C’est qui ?
 
De : Moi
Envoyé à 12h01
 
Mizuki
 
De : Trou du cul
Reçu à 12h02
 
Ok
 
Dans quoi est-ce qu’il venait de s’embarquer ?
 
De : Trou du cul
Reçu à 12h02
 
Ça va ?
 
Mizuki préféra abandonner son téléphone dans la maison pour retourner se coucher.
 
 
Le plus curieux dans tout ça, c’est qu’il daigna répondre, le surlendemain alors qu’il se préparait pour son jogging matinal (on prend soin de soi ici). Il était de bonne humeur, excessivement de bonne humeur, sans doute parce que ses parents avaient promis de venir le voir le week end suivant.
 
De : Moi
Envoyé à 06h23
 
Oui et toi ? :3
 
Le smiley était peut-être de trop.
 
 
 
Cette fois ce n’était pas un lit d’hôpital. C’était tellement plus confortable.
Il n’avait pas particulièrement mal, il se sentait simplement bizarre et quelque peu nauséeux. Le matelas tanguait mais il avait eu connu pire, bien pire après des soirées bien plus arrosés.
En revanche, ce qui le troublait davantage, c’était cette main qui venait se glisser occasionnellement sur son front, douce et rassurante, dégageant les mèches éparses qui s’acharnaient à revenir se poser sur ses yeux. C’était agréable mais tellement fugace que Kyo se demandait s’il n’était pas en train de rêver, à moins qu’il ne s’agisse de cette curieuse sensation de déjà-vu qui le titillait.
 
21h plus tôt
Le business c’est le business et Kyo savait qu’en retournant à Tokyo il n’y échapperait pas. Certes il avait tout fait pour repousser l’échéance, éviter ses créanciers et les malabars susceptibles de vouloir lui faire la peau mais les plus malins n’avaient pas tardé à retrouver sa trace (sauf Mei qui avait le quotient intellectuel d’une poule morte mais qui avait tout de même débarqué sur le palier de sa chambre d’hôtel il y a de cela une semaine en promettant de lui tartiner la gueule avec des avocats au moment où il s’y attendrait le moins. Kyo était depuis constamment à l’affut.)
Il avait donc dû jouer d’anciennes relations pour s’offrir un champ plus clair, remettant les mains dans la mécanique compliquée de la délinquance avec une aisance qu’il aurait cru perdu après quatre ans de bons et loyaux services envers la bannière étoilée.
Cela dit il ne regrettait pas de ne pas avoir perdu la main, parce que cela lui laisser la possibilité de suivre son train-train quotidien en toute impunité en s’immisçant doucement mais surement (à la manière d’un parasite) dans la vie de sa sœur mais surtout dans celle de Mizuki.
Jusque-là, le commun des mortels aurait soutenu que les progrès étaient maigres voire inexistants mais Kyo aimait se dire optimiste et voyait dans chaque petit geste une grande avancée.
 
La première avancée majeure fut un matin (ou une nuit, Kyo venait juste de se coucher) où Mizuki avait abandonné l’allure du ténébreux insensible et abonné à l’utilisation du mot « ok » pour commencer (ou recommencer car Kyo avait le souvenir d’un adolescent qui affectionnait tout particulièrement les points d’exclamation et l’usage excessif de la majuscule) à s’exprimer avec des smileys et de la ponctuation. En bref, de manière sympathique.
La seconde avancée fut bien évidemment le fait que cet exploit ne se limita pas à un message ou deux mais bien au fait que Mizuki répondait à ses sms et qu’au bout d’un moment (troisième avancée !) il avait même commencé à en envoyer lui-même de son plein gré.
Bien évidemment (et là s’arrête toute la magie de la chose), les conversations se cantonnaient majoritairement à des banalités et Kyo n’osa que quelques rares fois une approche plus personnelle (mais hélas infructueuse). Il s’en contenta pourtant largement, loin d’imaginer malgré l’épisode de la porte que Mizuki lui adresserait la parole sans donner le sentiment qu’il avait envie de l’égorger vif.
 
En ça, Kyo se sentait un peu comme un vautour à essayer de tirer son petit morceau de la charogne pour lui mais il n’en faisait pas un cas de conscience. Il avait toujours agit comme ça, on ne remplace pas si facilement les mauvaises habitudes.
 
Preuve en est, Kyo ne jouait pas à ce petit jeu qu’avec Mizuki. Il avait recommencé à chercher des poux à la populace mafieuse, secouant son drapeau comme pour signaler son retour à la manière d’une diva faisant son grand comeback. Il avait fait ça proprement il faut dire (ou salement, selon le point de vue) en débarquant à l’une des mini sessions de combat façon guest star pour exploser les têtes de quelques rookies et repartir avec un magot suffisant pour payer son loyer pour les deux mois à venir.
Quelques personnes n’avaient pas particulièrement apprécié sa performance qu’il réitéra, tout naturellement, en tirant à chaque fois sa révérence avec une bonne grosse valise pleine de cash et un doigt levé en l’honneur de toute l’assemblée. Le pied total. S’il y a bien quelque chose que Kyo adorait par-dessus tout, c’était de se foutre de la gueule de cette ville de merde et de ses habitants véreux et bordel ça avait ramené son sourire de démon du septième cercle de l’enfer.
Evidemment, tout n’était pas si simple. Il avait dû gérer quelques problèmes (on n’envoie pas une flopée d’ados à l’hôpital sans retomber) mais franchement, ça n’avait été qu’une formalité dont il s’était occupé sensiblement de la même façon que pour tout le reste : avec un gros BOOM et les amitiés de la maison.
 
Kyo aurait dû le voir venir, cela dit. Le gros poisson finit lui aussi par se mettre en colère au bout du compte. Mais il était sur son petit nuage et l’idée ne lui avait pas effleuré l’esprit une seule seconde.
 
L’autre avantage de la vie de dépravé dont la réputation n’est plus à refaire,  c’est avec quelle facilité on entre partout, dans tous les clubs, sans avoir besoin de faire des pieds et des mains parce qu’un sourire, un seul et même le gros molosse de l’entrée commence à avoir des sueurs froides.
Bien évidemment, Kyo n’était pas assez idiot pour recommencer son exploit d’il y a déjà 3 mois (déjà), esquivant les comas éthyliques ainsi que la compagnie des femmes parce que sous cette carapace de mauvais garçon se cachait contre tout attente un cœur de guimauve amoureux (si les autres savaient, sa réputation était finie). Ce qui ne l’empêchait bien évidemment pas de s’amuser.
 
Ce soir-là, son dévolu s’était jeté sur une boîte branchée du centre-ville, du genre blindée et très select et possiblement peuplée du gratin, la crème de la crème de la population tokyoïte. L’intérieur était aussi prétentieux et vaste que l’extérieur et le bar servait majoritairement des cocktails, dont la grande majorité possédait des noms à connotation sexuelle (le Red Headed Slut, malgré son nom tendancieux, était possiblement la meilleure chose à avoir passé le chemin de sa trachée).
La suite de la soirée s’enchaîna de manière assez fluide ; il avait dansé, on lui avait payé deux ou trois verres, il avait dansé de nouveau et dans le brouillard de l’alcool et de la fumée de quelque chose qui n’était certainement pas du tabac, il gardait le vague souvenir d’une conversation :
 
De : Moi
Envoyé à 02h59
 
wassup ;;;)
 
De : Bae
Reçu à 03h01
 
??
 
De : Moi
Envoyé à 03h04
 
T déjà allé au tims ???
 
De : Bae
Reçu à 03h05
 
La boîte ?
 
De : Bae
Reçu à 03h06
 
Kyo, t’as bu ?
 
De : Moi
Envoyé à 03h08
 
yeeep
 
De : Moi
Envoyé à 03h09
 
nop
 
De : Moi
Envoyé à 03h10
 
peut etre ;))))))
 
De : Bae
Reçu à 03h11
 
Je viens te chercher
 
De : Moi
Envoyé à 03h12
 
non je m’amuse c bon
 
De : Moi
Envoyé à 03h13
 
reste
 
De : Moi
Envoyé à 03h14
 
sauf si tu t sens seul dans ton lit ;;;;)))))
 
De : Bae
Reçu à 03h15
 
._.
 
Le reste ne fut qu’un flou brumeux mais Kyo était presque certain d’avoir répondu.
Peu de temps après il était dehors et s’était fixé pour objectif de retrouver le chemin de son hôtel. Il avait vagabondé dans les grandes artères avant de s’égarer dans les plus petites ruelles, s’était arrêté à un combini 24/24 pour acheter du papier toilette et des framboises ( ?), puis sur un banc parce qu’il avait le sentiment, très désagréable sentiment qu’il allait rendre son goûter.
Il finit par le rendre cela dit (rip les choco BN), lorsque deux paires de bras le tirèrent hors son abri (son banc) pour le trainer dans un cul-de-sac, un peu plus loin.
 
Il aurait dû le voir venir.
 
Le problème avec l’alcool et toutes ces substances supposées altérer positivement les sens, c’est leur l’impact négatif sur les mutants. Une revue était sortie il n’y a pas plus de deux semaines à ce sujet, disant qu’un mutant en état d’ébriété pouvait perdre l’usage de ses pouvoirs pendant un court laps de temps. Kyo aurait aimé y avoir prêté plus d’attention en survolant l’article, dans la salle d’attente de chez le dentiste ou même de simplement s’en souvenir lorsqu’il tenta sans succès de réduire la tête d’un de ses agresseurs en pâté Fido.
Ca eu autant d’effet qu’un pétard mouillé et entre deux fous rires (que Kyo pouvait difficilement blâmer, ayant lui-même rit au nez d’un jeune mutant qui n’avait pas réussi à grimper sur le mur, comme il aurait dû le faire), le type se remit à lui tanner le flanc à grand coups de Doc Martens.
Si Kyo avait été lucide à cet instant, il aurait su par qui ces types étaient employés (un gros poisson), qu’ils le suivaient depuis déjà quelques jours et n’avaient eu qu’à le cueillir comme un fruit bien mûr. Si Kyo avait été en pleine possession de ses moyens, il aurait compris que ses assaillants n’avaient pu s’acharner sur lui que quelques brèves minutes, il aurait senti le courant d’air froid, glacial venu remplacé la tiédeur de cette nuit de début de printemps, il aurait même pu s’empêcher de sombrer dans l’inconscience et se déplacer de lui-même, plutôt que d’être porté comme un poids mort jusqu’à son domicile.
 
Cette fois ce n’était pas un lit d’hôpital. C’était tellement plus confortable.
Il n’avait pas particulièrement mal, il se sentait simplement bizarre et quelque peu nauséeux. Le matelas tanguait mais il avait eu connu pire, bien pire après des soirées bien plus arrosés.
En revanche, ce qui le troublait davantage, c’était cette main qui venait se glisser occasionnellement sur son front, douce et rassurante, dégageant les mèches éparses qui s’acharnaient à revenir se poser sur ses yeux. C’était agréable mais tellement fugace que Kyo se demandait s’il n’était pas en train de rêver, à moins qu’il ne s’agisse de cette curieuse sensation de déjà-vu qui le titillait.
 
Il n’osa pas ouvrir les yeux de peur de briser le charme, préférant se laisser bercer en échappant des soupirs de contentement. Un peu plus et il se surprenait à ronronner mais la main se retira avant qu’il n’eut l’occasion de franchir ce seuil.
 
Lorsqu’il ouvrit enfin les yeux, il était seul dans sa chambre d’hôtel en compagnie d’une note qu’il s’empressa de lire.
 
Fais attention, Emiko va me tuer si tu me claques entre les doigts !!! (•̀o•́)
 

Malgré la douleur qui commençait à se réveiller dans son flanc, il ne put s’empêcher de sourire.


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MessageSujet: Re: Infinity on High   Infinity on High EmptyMar 26 Jan - 14:18

(Part IV)


Note pour l’avenir, pour futur Mizuki s’il daigne écouter ce que passé Mizuki a à lui dire.
Ne Jamais Se Laisser Embarquer Dans Quoique Ce Soit Par Kyo Saga.
 
72h plus tôt
L’épisode du Time’s (et non tims) avait été la clef de voûte d’un certain changement dans le comportement global de Mizuki Yanase.
Premio, il avait définitivement laissé tomber sa bitchface (comme Emiko aimait qualifier son air soi-disant désintéressé) en compagnie de Kyo, tout simplement parce qu’il ne pouvait plus se permettre de nier. Certes, il pouvait encore enterrer ses sentiments conflictuels sous des couches et des couches de dénie mais l’amitié, la sympathie qu’il ressentait à son égard ne pouvait plus être dissimulée par un quelconque artifice que ce soit. Alors, plutôt que de mentir, il s’était autorisé ce pas en avant, en se promettant encore une fois qu’il s’agirait là du dernier.
Deuxio, il avait été obligé de redoubler de vigilance vis-à-vis de ses pouvoirs parce qu’il ne les maitrisait pas encore suffisamment et le simple fait de s’en être servi l’avait rendu incapable de remonter sa température corporelle au-dessus des 20°C pendant trois jours (ce qui restait plus confortable que cette époque où il oscillait entre la température corporelle d’un cadavre et celle d’un volcan sans pouvoir possiblement expliquer pourquoi). De quoi le refroidir littéralement de s’approcher d’autres êtres humains de peur que son petit secret ne soit découvert. Même Emi n’était pas au courant et il ne tenait pas vraiment à ce que cela ne change.
Tercio, Kyo avait fait de leur appartement un logement secondaire et Mizuki ne savait définitivement pas comment gérer sa constante proximité sans ressentir le besoin de faire une combustion instantanée. Ce qui avait déjà bien failli arriver. Mizuki se félicite d’ailleurs encore de n’être monté qu’à 40°C, évitant de rendre la situation plus embarrassante encore avec des brûlures au troisième degré. Expérience personnelle à l’appui.
 
Fatalement, la présence quasi-continue du plus âgé avait rendu possible le retour d’un certain climat de confiance et Mizuki retrouvait parfois des choses d’avant ; une gestuelle, un mot, une expression, des détails qu’il arrivait à son grand regret à lire de plus en plus facilement.
Lors d’un repas où Emiko s’était coupée en quatre pour préparer du chawanmushi en plus de condiments basiques, Kyo s’était mis à tripoter ses cheveux en tournant sa fourchette (la seule de la maison parce qu’il était devenu incapable de se servir d’une paire de baguettes après quatre ans de mal bouffe occidentale) dans son bol. Il n’aimait pas ça et cherchait une excuse pour que quelqu’un le mange à sa place (ce qui finit par arriver lorsqu’il déclara qu’il ne se sentait pas bien et qu’il s’exila dans les toilettes pour jouer à Angry Bird).
Pendant que Mizuki travaillait, il s’était assis à côté de lui et souriait du coin des lèvres à chaque fois que Mizuki soupirait. Cela l’amusait mais il était tout de même suffisamment compatissant pour ne pas trop le montrer.
Une autre fois, le plus jeune sortit de la salle de bain en catastrophe en entendant l’alarme incendie, seulement vêtu d’une serviette autour de la taille (du fait d’Emiko qui avait oublié l’eau qu’elle avait mise à bouillir). Kyo le regarda avec son gigantesque sourire de mange merde, celui où il pince les lèvres et les coins se relèvent jusqu’à ses oreilles et putain Mizuki n’était pas assez idiot pour prétendre que son vis-à-vis n’appréciait pas la vue. Il l’aurait sûrement frappé, il l’aurait fait s’il n’avait pas dût retourner prendre une douche froide, une fois certain que le danger était écarté.
 
Il y a 72 heures, Kyo était allongé sur le canapé de tout son long et s’étirait parfois, son téléphone entre les mains, il s’ennui. Lorsque Mizuki se posa à côté de lui il étira le coin de ses lèvres en plissant les yeux, il a une idée en tête.
 
Mizuki ?
 
Le concerné ne répondit que d’un grognement vaguement intéressé. Il n’avait pas besoin de sixième sens pour devinait que quelque chose de mauvais, très très mauvais mijotait dans la tête de Kyo et Mizuki était plus que dubitatif quant à la suite des évènements.
 
▬ Après-demain soir, tu fais quelque chose ?
 
Le commun des mortels auraient sûrement entendu ses mots comme un cours loin et vite camouflé mais le plus jeune connaissait l’animal et il savait que si son postérieur était en danger Kyo ne ferait pas cette tête-là. A chaque fois qu’il avait tenté, même de façon détourné de lui faire des avances, il l’avait fait avec sérieux et, aussi curieux que cela puisse paraître, un certain tact. Ici il ressemblait davantage à un enfant qui s’apprêtait à faire une bêtise et qui essayait de trouver un complice parce que seul c’est tout de suite moins drôle.
 
▬ Rien. Pourquoi ?
 
Et voilà le sourire du démon, celui qui annonçait la tempête et bordel.
 
▬ Parfait.
 
Si Kyo lui avait laissé le temps, il aurait dit non, il aurait essayé de le convaincre de ne rien faire de stupide mais le problème c’est que Kyo était déjà parti et Mizuki savait qu’il était coincé. Fait, comme un rat. Il n’eut de nouvelle que le surlendemain.
 
De : Crétin
Reçu à 10h04
 
23h ligne hibiya arrêt minowa, je te recup là bas
 
 
Pourquoi il était à Minowa (après avoir passé une heure entière dans le métro) à 23h pétante relevait du mystère total.
Peut être parce qu’il était complètement idiot. Ou inconscient. Et pourquoi pas les deux ?
Mais il était là et s’il se sentait d’humeur à s’auto-flageller, il se mettrait volontairement des petites baffes au visage. On ne lui laissa pas ce luxe, Kyo l’attendait déjà sur le quai du métro et putain ce sourire était définitivement synonyme de up to no good. Cet abruti savait qu’il viendrait il le savait et ça mettait Mizuki en rogne. Pas contre Kyo mais contre lui-même. Pourquoi fallait-il qu’il ait si peu de volonté ?
 
▬ J’ai oublié d’te prévenir de pas mettre de fringues trop voyantes mais je vois que t’as prévu le coup. Parfait. Parfait. Bon suis-moi.
 
Mizuki capitula, non sans échapper un long soupir plein de regrets sur ses choix et son existence.
 
Il suivait Kyo à travers les rues, toutes de plus en plus sombres et de plus en plus étroites et de moins en moins occupées et subitement, il était content d’avoir pris ce sweat à capuche parce qu’il n’aurait jamais pu faire ce chemin-ci sans ressembler au minimum à un 2Pac délavé. Imaginez, notre pauvre instituteur abandonnant l’hostilité de sa classe de petites sections armées de leur envie constante d’aller au petit coin pour la jungle de la délinquance, au dehors. Pas que Mizuki n’ait pas connu ce milieu mais l’idée lui donnait tout de même quelques frissons. Il ne s’était pas battu depuis très longtemps (si on omet l’altercation avec les deux toxicos qui avaient attaqué Kyo en traitre, ce qui ne comptait pas réellement sachant qu’il les avait pris par surprise) et il ne se sentait définitivement pas l’âme à coller son poing dans la figure de qui que ce soit.
Il semblerait cela dit que ce ne soit pas au programme de ce soir et il ne pouvait définitivement que s’en réjouir. Là où il se réjouissait moins, en revanche, c’était à l’idée de s’introduire par effraction dans cet entrepôt parce qu’il semblerait que ceci soit définitivement sur le menu du jour.
 
Note pour l’avenir, pour futur Mizuki s’il daigne écouter ce que passé Mizuki a à lui dire.
Ne Jamais Se Laisser Embarquer Dans Quoique Ce Soit Par Kyo Saga.
 
Kyo s’agenouilla devant la porte de service, armé d’une paire d’épingles à cheveux et d’un tournevis. Il gratta dans la serrure pour ce qu’il semblait être une éternité, sous le regard concerné de son complice involontaire.
 
▬ Tu veux pas essayer ?
 
Avait-il fini par déclarer en faisant la moue, visiblement épuiser de batailler avec un pauvre trou dans une porte. Sur le coup, Mizuki songea à lui dire non, à partir, à refuser de s’embarquer dans Dieu sait quel délit qui allait très certainement les faire mettre tous les deux sous les verrous mais pour la énième fois de cette soirée, il n’écouta pas sa raison et songea plutôt à une autre idée pour ouvrir la porte.
 
Il se pencha devant et demanda à Kyo d’aller lui chercher une canette vide.
 
▬ Une canette vide ?
 
▬ Tu verras.
 
Le temps que le plus âgé soit de retour, Mizuki avait déjà fondu la serrure et franchit le premier obstacle.
 
▬ Et la canette ?
 
▬ J’ai dû faire sans, tu prenais trop de temps.
 
Si Kyo n’avait pas l’air aussi excité à l’idée de pouvoir enfin rentrer, il aurait certainement fait la moue.
 
L’intérieur de l’entrepôt était à première vue désert. Les seuls bruits audibles étaient ceux de leurs pas sur le béton, de leurs respirations et peut être, peut être aussi du cœur de Mizuki qui s’était mis à battre un peu plus vite. Eparpillés de çà et là dans le bâtiment, des canapés formaient une sorte de zone habitable, un squat surement utilisé par des gens peu fréquentables ou des jeunes pour des soirées plus alcoolisés que la moyenne. En parlant d’alcool, il y avait quelques (beaucoup) de cadavres de bouteilles, sur les petites tables, par terre, en masse à côté d’une benne qui semblait elle-même pleine de débris en tout genre. L’odeur du tabac froid empestait à plein nez et Mizuki aurait juré que c’était de la faute de tous ses cendriers plein au milieu de la pièce mais oh, oh non ça c’est définitivement pas du tabac.
 
▬ Oh, de l’herbe.
 
Il n’aurait pas dit mieux.
Après avoir fait le tour du domicile, et confirmé qu’en dehors d’un rat planqué sous une des banquettes il n’y avait pas âme qui vive en ces lieux, Kyo s’autorisa à se vautrer dans l’un des sofas. Mizuki le fixa d’un air dubitatif, préférant quant à lui restait debout, prêt au cas où quelqu’un n’arrive et qui sait décide de leur casser la gueule ? Qui sait ?
 
▬ Détend toi un peu. On craint rien.
 
Avait-il fini par déclarer en sentant clairement la tension sur le visage de son compagnon de fortune. Mizuki n’arrivait pas vraiment à suivre le conseil, peut-être parce qu’il avait un sixième sens et qu’il savait que les choses n’allaient pas bien se passer s’ils restaient une minute de plus dans ce taudis.
 
▬ On devrait partir. C’est vide, ça sert à rien de rester.
 
Revoilà le sourire mange merde.
 
▬ Justement. Pourquoi ? On se démonte ? On a peur, peut-être ?
 
Mizuki jurait qu’il l’aurait bien cogné dans ses dents bien blanches s’il n’appréhendait déjà pas de n’être que deux ici. Alors imaginez bien que tout seul…
Kyo se pencha en avant pour tirer sur sa manche, le contraignant à venir vers lui tandis qu’il tapotait la place à côté de lui. Il s’asseya.
 
▬ T’inquiète, je suis là pour te protéger chérie.
 
▬ Je me sens vachement rassuré sachant que la dernière fois il n’a fallu que deux junkies pour te mettre au tapis.
 
Ce n’était peut-être pas nécessaire d’être méchant mais Mizuki était certain que sans ça, il l’aurait déjà frappé. Il détestait ce Kyo-là, assuré et arrogant, il avait envie de lui mettre des coups de pompe dans le cul jusqu’à ce qu’il ne puisse plus marcher et qu’il arrête de sourire comme s’il s’apprêtait à violer quelqu’un. Ça lui donnait envie de hurler.
Il aurait aimé aussi que sa répartie cinglante suffise à lui faire fermer son clapet mais non, non ce serait trop simple et c’est de Kyo Saga dont on parle, l’homme qui ne la fermerait pour rien au monde.
 
▬ J’attends toujours mon occasion pour te remercier d’ailleurs. Une partie de jambes en l’air peut-être ? Tu verrais les choses que je peux faire avec ma langue maintenant.
 
Il ne s’agissait que d’un réflexe. Il n’avait pas voulu. C’était parti tout seul. Ce coup de coude éminemment bien placé à son voisin était de toute évidence un malheureux accident. Accident le contraignant à garder sa grande gueule fermée quelques cinq minutes sur lesquelles Mizuki n’allait certainement pas cracher pour faire le point, se calmer intérieurement parce que cette proposition ne devait pas lui faire ce genre d’effet, certainement pas.
Il eut même le droit à un coup de pouce du destin, des jurons venant de la direction de la porte de service et quelque chose qui ressemblait fortement à un la serrure est fondue putain qui ramenèrent Mizuki sur Terre avant même que son imagination n’ait eu le temps de faire le moindre méfait.
Une grimace horrifiée se peint sur son visage tandis qu’il tourna la tête vers Kyo, toujours en train de sourire comme le diable en personne. Ce dernier posa sa main sur son genou et lui souffla, une octave en dessous de d’habitude et bordel.
 
▬ Ne bouge pas.
 
L’idée de bouger ne lui avait pas traversé l’esprit. Hurler en revanche, oui, mais sa voix semblait s’être éteinte dans sa gorge au moment même où cette main s’était posée et Mizuki aurait juré, dans d’autres circonstances, qu’il l’avait fait en toute connaissance de cause.
Il n’eut pas le luxe d’y penser davantage quand un petit groupe, six ou sept personnes tout au plus, prirent tout naturellement place devant lui et il retint son souffle sans même s’en rendre compte.
 
▬ Regardez qui voilà. Si ce n’est pas la petite merde. Il a même ramené un copain.
 
Le grand brun avec l’accent russe faisait de toute évidence référence à lui et tous les petits yeux vitreux de ses amis se fixèrent sur Mizuki comme s’ils observaient une curiosité tout droit sorti d’un zoo.
 
▬ Vladi, Vladi, Vladi. Comment tu te portes ?
 
▬ Mal depuis que tu refourres ton nez dans mes affaires, Saga.
 
Le dénommé Vladi, sans doute un diminutif affectueux pour le prénom russe le plus cliché qu’il soit, ne semblait pas d’humeur à plaisanter et porter sensiblement le même air sérieux et agacé que ses copains. Une variante de l’air sérieux et peut être un peu intimidé de Mizuki. Tout le contraire du large sourire de Kyo affichait, large sourire qui lui montait jusqu’aux yeux et bon sang un gamin devant une barbe à papa arborerait sans doute la même expression. Candide. Voilà le mot. Candide.
Kyo tapota doucement la cuisse de Mizuki avant de se lever d’un bond, s’étirant comme un chat avant de s’avancer pour fixer Vladimir juste dans les yeux et le malheureux allait très certainement se faire frapper ou pire s’il continuait son petit manège.
 
▬ Tu m’en vois désolé. Mais qui aime bien châtie bien, non ?
 
▬ Je vais te donner châtiment, si c’est ce que tu veux.
 
▬ Aaah Vladi je sais que tu m’aimes beaucoup mais retiens toi devant mon ami, d’accord ?
 
Il jeta juste un œil par-dessus l’épaule de Kyo, comme pour surveiller que Mizuki ne bougeait pas et il n’allait pas bouger, non, il allait rester là parce que ce canapé était tout d’un coup très sécurisant.
 
▬ Il parle pas ton copain ?
 
Oups.
 
▬ Vous ne comprendriez pas. C’est un instituteur de l’école maternelle, voyez-vous.
 
Si Mizuki n’était pas préoccupé par leur survie (ou simplement la sienne, Kyo pouvait aller crever dans un trou s’il ne le tuait pas lui-même), il aurait certainement crié parce que putain ça brûle.
 
▬ Tu te moques de nous ?!
 
▬ Non Vladi, seulement de ton éducation.
 
Le concerné regarda ses hommes d’un air confus et de tout évidence il était le seul à parler un japonais un peu prêt correct parce que personne n’avait compris.
Attends, Kyo essayait vraiment de les embrouiller ? Il espérait s’en sortir avec ce genre de pirouettes ? Ô seigneur, ils étaient morts. Tous les deux.
 
▬ Ecoute Vladi, je sais qu’on a nos différents toi et moi mais écoute. Je suis désolé pour tes deux copains de l’autre jour. Ils me sont tombés dessus et ils se sont bien fait enculer à sec. S’il te plait, ne met pas leur vie en danger inutilement, c’est pas cool, hein.
 
Il lui mit une petite claque amicale sur sa joue balafrée et Mizuki avait le sentiment que c’était la fin. Et dire que cet abruti avait cherché l’employeur des deux junkies qui l’avaient attaqué pour aller le voir personnellement et qu’il l’avait embarqué là-dedans. Lui ? Celui qui les avait très certainement envoyé séjourner à l’hôpital pour un bon mois ? Il était tellement, tellement dans la merde.
La conversation termina sur cette note d’humour de mauvais goût (ou d’inconscience profonde) et en dehors de Vladimir qui leva la main pour signaler à ses gars que la chasse était ouverte, le reste fut extrêmement flou et incohérent.
 
Mizuki avait le souvenir de s’être lever en catastrophe de son canapé qui n’avait plus rien de sécurisant.
 
Mizuki avait le souvenir d’avoir cherché la sortie de regard avant qu’un des molosses ne lui tombe dessus.
 
Mizuki avait le souvenir d’avoir eu extrêmement chaud. Et mal. Principalement pour l’homme sur lequel il venait de poser sa main.
 
Mizuki avait le souvenir de hurlements, d’un sofa qui avait volé vraiment ? et de Kyo qui rigolait.
 
Pourquoi est-ce que cet idiot rigolait au juste ? Pourquoi il fixait Mizuki en gueulant je le savais ?
 

Difficile à dire, Mizuki tomba avant d’avoir eu la réponse. Le reste fut d’autant plus flou et incohérent mais il avait le souvenir que Kyo avait cessé de rire. Puis le néant.


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MessageSujet: Re: Infinity on High   Infinity on High EmptyMar 26 Jan - 14:20

(Part V)


153h plus tard
 
C’était une petite pierre, un ridicule bloc de granite où l’on avait gravé son nom pour ne pas oublier. Le corps n’était même pas en dessous. Le corps ne fut jamais retrouvé.
Emiko se disait que c’était peut-être mieux comme ça.
 
Elle n’avait appris que récemment comment Tori avait trouvé la mort. On lui avait décrit de la violence, on lui expliqua que son autre frère aurait pu mourir, lui aussi. On lui demanda si elle avait besoin d’aide, pour surmonter cette épreuve, pour passer outre la tristesse et la colère qu’elle éprouvait
Emiko n’eut pas besoin de cette aide. Emiko n’était ni triste ni en colère. Emiko était heureuse. Maman ne sera plus toute seule, là-haut. Kyo va bien. Du moins c’est ce qu’elle essayait de se dire.
Certes, elle avait appris la nouvelle avec beaucoup de calme et de sang-froid, elle avait déjà fait son deuil, mais ça faisait si mal dans sa poitrine, de savoir que le garçon avec qui elle jouait étant petite, son grand frère, n’avait trouvé un peu repos qu’après des heures à attendre la mort.
Elle essayait de ne pas trop y penser, d’occuper sa tête avec d’autres images, celles des vivants et non celles des cadavres qui se vident de leur sang.
 
 
▬ Bonjour, Nii-san. Je t’ai amené des lilas1 aujourd’hui.
 
Elle se pencha au-dessus de la sépulture et remplaça le bouquet de muguets2 qu’elle avait placé-là, la semaine précédente. C’était un jeu auquel elle s’était mise à jouer dès les premiers jours, mettre des fleurs en fonction de ses humeurs ou de l’ambiance de la maison, pour que Tori sache, au cas où il ne le t’entendrait pas. Il lui arrivait souvent de mettre des choses plus saugrenues, des petites branches ou des herbes aromatiques mais elle se fichait pas mal de ce que les gens pouvaient en penser. Ce mémorial était déjà trop modeste pour que qui que ce soit ni prête attention, de toute façon.
 
▬ Je n’ai pas le temps de rentrer à la maison en ce moment. Je travaille beaucoup, mais je sais que Kyo et Mizuki-san vont bien. Ils se chamaillent souvent, mais ils vont bien.
 
Pour se moquer d’eux, il lui arrivait souvent de les traiter de vieux couple et la tête qu’ils tiraient simultanément était beaucoup trop drôle pour qu’elle s’arrête un jour de le faire.
 
▬ Mes études de médecine commencent bien. J’ai de bonnes notes pour l’instant et mes camarades sont gentils. Je crois qu’un garçon s’intéresse à moi mais ce n’est pas vraiment mon genre alors…
 
Un silence.
 
▬ Je préfère celui du combini. Il est toujours là quand je finis les cours, il parle beaucoup. Il est grand, il se teint les cheveux. La dernière fois que je l’ai vu ils étaient rouges. Je crois qu’il a des tatouages aussi.
 
Rien que le fait d’y penser là fit rougir. Cette description lui donnait l’impression de braver plus d’un interdit, de piétiner les bonnes mœurs une à une et de les moudre ensuite. Dire qu’elle voulait être une fille sage, pourtant elle décrivait un voyou. Non. Le garçon du combini n’est pas un voyou il est juste… Lui ?
 
▬ Il est gentil.
 
Se justifia-t-elle.
 
▬ Je pense qu’il te plairait.
 
Elle passa la fin de l’heure à parler de lui.
 
1 – Le lilas symbolise les premiers émois amoureux
2 – Le muguet symbolise le retour du bonheur
 
 
L’amphithéâtre se vidait petit à petit, laissant Emiko seule avec ses cahiers et ses notes à rattraper. Elle n’en voyait plus le bout, c’était incompréhensible, son classeur de biologie ne ressemblait plus à un classeur mais à une poubelle. La seule matière où elle trouvait un semblant d’ordre dans ses feuilles, c’était la psychologie et elle avait passé une semaine complète à trier et réécrire des pages entières de théorie qui n’avait surement pas le moindre sens, même pour le professeur.
A ce rythme-là, son âme serait sortie de son corps avant la fin du semestre. 
Et pour ne rien arranger, ses horaires étaient à coucher dehors, littéralement. Il n’y avait que les étudiants en médecine pour pouvoir dire désolé je termine à 3h du matin.
 
Si monsieur Tanaka n’avait pas insisté pour qu’elle rentre chez elle et se repose, elle serait encore dans cette salle à relire indéfiniment la même phrase parce que ses yeux n’arrivaient plus à associer les kanjis comme ils le devraient.
 
Elle était dehors et elle n’avait qu’une envie : dormir. Ses pieds la menèrent pourtant jusqu’au combini, celui à côté de la bibliothèque où elle allait tous les jours pour acheter un encas nocturne.
Elle n’avait pas faim mais elle entra quand même.
 
▬ J’ai bien cru que tu viendrais pas aujourd’hui.
 
Elle sursauta au son de la voix, familière mais étrangère et mince, elle avait oublié qu’il y avait quelqu’un ici. Son temps de réaction était tellement ridiculement inexistant qu’elle n’eut même pas le temps de relier A et B que le propriétaire de la voix était déjà à côté d’elle.
 
▬ Eh, je t’ai pas fait peur au moins ?
 
Elle secoua négativement la tête.
 
▬ Ouah, tu ressembles à un zombie. C’est un truc spécifique aux gars de la médecine de ressembler à des cadavres ? Parce que c’est pas franchement rassurant pour vos futurs patients.
 
D’habituel, elle aurait rigolé ou fait mine d’être vexée par ses insinuations douteuse mais elle se contenta de pencher la tête en le fixant curieusement. Son col était un peu descendu et oh. Oh, il a vraiment des tatouages. Il avait toujours ses cheveux rouges, aussi.
Qu’est-ce qu’il venait de dire ?
 
▬ Ok miss, t’as l’air complètement morte de l’intérieur et de l’extérieur. Tu sais quoi, assis-toi là, je fais la fermeture dans vingt minutes et je te raccompagne chez toi.
 
Elle n’eut pas la force ni de refuser ni de rester éveiller une fois affalée sur la chaise sur laquelle il l’avait installé.
 
 
 
145h plus tôt.
 
De : Moi
Envoyé à 05h08
 
Emi ?
 
De : Moi
Envoyé à 05h20
 
Emi ???
 
De : Moi
Envoyé à 05h27
 
Repond c est urgent !!!
 
De : Moi
Envoyé à 05h30
 
!!!!
 
De : Emi
Reçu à 05h33
 
Qu’est-ce qu’il se passe ???
 
De : Emi
Reçu à 05h34
 
Mizuki-san ???
 
De : Moi
Envoyé à 05h35
 
Je suis devant la porte, ouvre
 
 
Quel ne fut pas son soulagement lorsqu’il entendit le bruit de la clef dans la serrure, lorsqu’elle ouvrit enfin la porte et s’empressa de se jeter à son côté pour l’aider.
 
▬ Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
 
Elle demanda, inquiète.
Il n’osa ni lui mentir ni lui dire la vérité, préférant le silence tandis qu’il portait son ami inconscient à l’intérieur. Lui-même avait du mal à tenir sur ses deux pieds, à garder conscience à cause de tout ce sang qui coulait sur sa tempe et de sa jambe mais la douleur vive et cette chaleur lui avait permis de tenir bon, du le métro jusqu’ici. Emiko semblait horrifiée, elle aida pourtant du mieux qu’elle put à porter l’inconscient jusqu’à la salle de bain pour le coucher dans la baignoire.
 
▬ Pourquoi est-ce qu’il est aussi chaud ?
 
Kyo garda aussi le silence sur ce point.
Il alluma l’eau, la réglant sur le degré le plus froid possible sous l’air confus de sa sœur qui ne comprenait visiblement pas en quoi arroser quelqu’un d’inconscient était une bonne idée. Ca n’avait rien d’une bonne idée, c’était simplement la seule qui lui était passée par la tête à ce moment parce que la température montée un peu plus à chaque minute. L’eau commençait à bouillir dans le fond de la baignoire.
 
▬ Qu’est-ce que… ?
 
▬ Des glaçons, va chercher des glaçons !
 
Elle courût jusqu’à la cuisine et ramena deux verres plein dont elle disposa stratégiquement le contenu sur le front et derrière la nuque de Mizuki. Kyo avait vidé l’eau entre temps, manquant de se brûler par la même occasion.
Ce ne fut qu’au bout de vingt minutes à faire d’interminables allers-retours entre la salle de bain et la cuisine pour aller chercher d’autres glaçons que la situation sembla s’éclaircir un peu. Mizuki finit par ouvrir les yeux, sa température chuta brusquement au moment où il retrouva conscience (ce dont les habitants de la pièce pouvait témoigner sans même avoir besoin de le toucher).
Il n’échappa qu’une plainte faible en regardant autour de lui avant de paniquer (sans doute par reflexe, après avoir perdu connaissance à cause d’un coup de chaise en plein sur la tête). Des mots et des gestes rassurants ne furent certainement pas aussi efficaces que l’idée brillante de Kyo à cet instant précis, à savoir d’allumer le pommeau de douche en plein sur son visage.
 
▬ Dégage ça putain !
 
Il n’en fallut pas davantage pour savoir que Mizuki Yanase était de retour chez les vivants. Cette pensée fut salutaire pour Kyo qui s’autorisa à s’asseoir à même le sol, soulagé.
Emiko s’occupa du reste, elle pansa les blessures de son frère, aida à faire descendre la température de Mizuki jusqu’à un seuil plus humain (principalement en le forçant à rester sous l’eau froide alors que le malheureux était quasi-intégralement habillé). La situation aurait presque été amusante, plaisante, parce qu’il avait l’occasion d’observer sans honte le corps de Mizuki dans toute sa gloire et bon sang jamais un t-shirt et une paire de jeans mouillés ne furent si bien portés.
En fait il retirait ce qu’il venait de dire. Cette situation était plaisante parce que tout allait bien et qu’il pouvait regarder ces bras et ce téton le narguait sous du tissu mouillé pendant des heures.
 
 
▬ C’EST QUOI TON PROBLEME AU JUSTE ?
 
Kyo ne savait pas ce qu’il l’avait le plus surpris. Le fait que Mizuki s’était mis à hurler alors qu’il venait tout juste de sortir de la salle de bain ou bien le fait que Mizuki était sorti de la salle de bain dans ses vêtements encore complètement imbibés d’eau ?
Il y avait un aspect que Kyo appréciait plus que l’autre.
 
▬ Détends toi. Parlons comme des adultes civilisés.
 
▬ NON. NON. LES ADULTES CIVILISES NE VONT PAS CHERCHER LA MERDE A UNE BANDE DE RUSSES FOUS DANGEREUX.
 
Kyo fronça les sourcils. Dire qu’il commençait seulement à vraiment apprécier la situation. Heureusement Emiko, qui avait renoncé à aller se coucher étant donné qu’il était déjà 7h, décida de s’interposer.
 
▬ Calme toi, tu vas refaire monter la fièvre.
 
Kyo avait réussi à faire gober le coup de la fièvre à une étudiante de médecine. Il se sentait un peu l’âme d’un génie du mal sur ce coup-là. Mizuki, quant à lui ne trouva visiblement rien à redire, sûrement de peur que son petit secret ne soit découvert.
Quand Kyo y pensait, il n’était pas peu fier de lui. Il avait eu raison sur toute la ligne. Mizuki était un mutant et il l’avait caché tout ce temps. Le plus âgé l’aurait presque félicité de sa discrétion, si la situation si était prêté.
 
▬ Maintenant on va tous aller se reposer. Je ne veux plus entendre parler de cette histoire. Mizuki-san, va te changer. Tu mets de l’eau partout.
 
Il baissa les yeux, serra les poings. Ça, ça voulait dire que la discussion n’était que reportée à une date ultérieure. Dommage. Kyo n’aura sûrement pas l’occasion de se trouver dans une altercation avec un homme bien foutu et mouillé de la tête au pied de sitôt. C’était presque décevant.
 
▬ Oh, Mizuki peut rester comme ça. C’est pas comme si on avait une vue imprenable sur ses tétons.
 
Il n’en fallut pas davantage pour que l’intéressé fasse demi-tour et s’enferme dans la salle de bain, le tout en veillant à bien claquer la porte derrière lui. Au fond, il était encore un gamin dramatique. Mais jusqu’à quand ? Kyo ne saurait dire, il s’endormit bien avant.
 
 
Emiko passa la semaine suivante à éviter le combini. A éviter le garçon du combini. A éviter toute chose susceptible de lui rappeler à quel point elle avait gaffé au combini.
Dire qu’elle s’était endormie, dans un espace public, avec un garçon dont elle ne connaissait même pas le nom ? Il avait dû la réveiller pour savoir où elle habitait et elle s’était enfuit en courant ? Comme ça ?
Emiko commençait sérieusement à penser que Mizuki avait déteint sur elle. Elle sentait cette envie brûlante de hurler sa frustration en frappant sa tête contre les murs. Bien évidemment elle ne le fit pas, se contentant de crier en son for intérieur en se maudissant d’être une pareille imbécile.
 
Une semaine et elle s’imaginait passée à autre chose. Au revoir honte ! Bon vent et ne revenez pas avant très, très longtemps.
Si seulement.
Si seulement.
 
▬ Je te l’aurai bien rendu autrement mais ça fait un moment que t’es pas passée au magasin alors... Voilà.
 
Son blouson. Comment Emiko pouvait possiblement avoir oublié son blouson ? Sans s’en être rendu compte ?
Si elle ne se trouvait pas dans une bibliothèque, entourée de pauvres étudiants en train d’essayer de comprendre le sens profond de la vie, elle aurait hurlé. Si le garçon du combini, qu’elle avait fini par nommer Kirei1, n’était pas face à elle avec son blouson entre les mains et l’air le plus désolé du monde, elle aurait hurlé.
 
▬ Merci.
 
Elle récupéra son blouson (lui arracha des mains) et prit le chemin de la porte, en veillant à ne rien oublier. Cette fois.
 
1 – kirei signifie joli, beau en japonais.
 
 
Mizuki passa les deux semaines suivantes à éviter Kyo. Lorsque le plus âgé passé à la maison, il s’enfermait dans sa chambre ou prétendait avoir à faire à l’extérieur, généralement lorsque le son seul de sa voix lui devenait insupportable.
Il n’arriverait sans doute pas à lui pardonner, cette fois. Le laisser en plan et partir pendant quatre ans semblaient presque insignifiant à côté de ce véritable coup de poignard dans le dos. Quel être humain en pleine possession de sa tête pouvait prendre ça comme un jeu ? Mettre la vie de quelqu’un en danger simplement pour vérifier une théorie hasardeuse à son sujet ? Ils n’en avaient pas reparlé depuis mais Mizuki savait, il savait que Kyo était au courant, il savait que tout ça n’avait été rien de plus qu’un moyen de vérifier si oui ou non, il était un mutant. Se venger de ce Vladimir, ou peu importe son nom, n’était sans doute qu’un prétexte. Ce n’était pas comme si tout Tokyo voulait la peau de Kyo Saga, à commencer par Mizuki lui-même, alors pourquoi chercher à se débarrasser d’un groupe plutôt qu’un autre ?
 
Hélas les vacances de printemps arrivaient à grand pas et pour la première fois, Mizuki se surprit à penser qu’il n’en voulait pas. Les cours lui servaient d’excuse pour rester loin de la maison, sa classe lui offrait une pause bienvenue dans le nœud de ses pensées et il ne savait pas comment il allait survivre trois semaines sans cela.
 
 
▬ Parlez, ça ne peut faire pas faire de mal. Vous trouverez sûrement une trêve.
 
Pour une fois, Mizuki n’était pas convaincu par la diplomatie que lui proposait Chiaki (l’institutrice de la grande section avec qui il passait la majorité de ses pauses) et malgré toutes ces fois où écouter ses conseils furent payants, il ne pouvait pas se résoudre à choisir cette issue. Pas cette fois. Kyo était allé trop loin.
Au lieu de ça, il prit une gorgée de son café et lui demanda si elle était libre, le soir-même. Elle accepta et Mizuki trouva une nouvelle excuse pour ne pas rentrer à la maison ce soir-là.

Emiko n’avait pas revu le garçon du combini depuis leur dernière rencontre, le mois précédent. Elle avait mis un point d’honneur à ne plus se rendre à la superette, se contraignant à attendre de retourner à la maison pour manger (ce qui finissait généralement par réveiller Mizuki en catastrophe parce que l’alarme incendie).
Les vacances de printemps étaient enfin arrivées et elle se délectait déjà à l’idée de récupérer des heures et des heures de sommeil perdu à cause de l’école. Jamais elle n’aurait cru capable d’éprouver une telle fatigue, jusqu’au moment où son corps tout entier refusa de bouger du lit pendant deux jours de suite. A ce stade-là, faim et soif n’étaient que des fioritures dont son organisme pouvait se passer, du moment où on l’a laissé rest in peace.
Contre toute attente, personne n’était à la maison pour troubler son repos du combattant : Mizuki passait la plupart de ses soirées à sortir et Kyo, lui, la plupart de ses soirées à le suivre. Même s’il ne l’assumait, Emi n’était clairement pas née de la dernière pluie, il suffisait de voir la petite lueur de jalousie dans ses yeux pour savoir qu’il y avait anguille sous roche.
Mais ce n’était pas les affaires d’Emi.
Emi voulait juste dormir. Dans son lit. Son précieux. Ce qu’elle fit, jusqu’à ce que la faim soit plus forte que le sommeil. Elle fut alors contrainte d’abandonner son refuge et quelle ne fut pas sa déception en s’apercevant que le frigo était vide (à l’exception d’une brique de lait périmée qu’elle s’empressa de jeter à la poubelle).
Elle enfila donc quelque chose de chaud et partit en quête de nourritures, revenant au bercail avec de la malbouffe américaine (vive le Kentucky et ses poulets) parce que pourquoi pas ?
Sur le chemin du retour, elle s’autorisa même à taper dans le paquet, dévorant son bout de blanc de poulet avec le moins de grâce possible en ce bas monde. Elle était tellement obsédée par son estomac et sa capacité à ingérer le format familial qu’elle avait acheté qu’elle ne remarqua l’homme en face d’elle ni à quelle vitesse elle s’apprêtait à percuter son dos.
 
Impact dans 3, 2-
Il se retourna à temps pour la remarquer et attirer son attention avant collision.
 
▬ Attention !
 
Elle leva la tête et pensa avant tout à sauver son poulet pané avant sa propre vie. Elle recula malhabilement en poussant un cri de stupeur, s’écrasant sur les fesses dans un geignement douloureux. Si Emiko n’était pas en médecine, elle aurait juré que c’était son bassin qui venait de craquer.
 
▬ Outch. Ça va ?
 
Lorsqu’elle ouvrit les yeux (qu’elle avait fermés durant sa chute), elle remarqua avec horreur et stupeur qu’elle connaissait cet homme.
Elle l’avait peut-être évité pendant tout ce temps, mais elle ne l’avait certainement pas oublié.
 
▬ Oh mon dieu.
 
Echappa-t-elle sans vraiment réaliser avant de se couvrir la bouche, comme si la pire des obscénités venait de sortir de sa bouche. Sa réaction le fit vraisemblablement beaucoup rire. Pas un rire méchant, un rire… Mignon ? Elle se mit à rougir.
 
▬ Ne reste pas assise-là. Je vais t’aider.
 
Il lui tendit la main et Emiko n’eut pas vraiment le cœur de refuser. Elle garda sa boîte de nourritures précieusement contre elle en reprenant équilibre sur ses deux pieds, toujours rouge de honte et habitée d’une brûlante envie de disparaître dans un trou noir, n’importe quoi du moment qu’elle pouvait disparaitre.
 
▬ C’est pas grave, hein ?
 
Elle haussa un sourcil. De quoi est-ce qu’il parl-
 
▬ Je me disais que tu m’évitais. Je ne voulais pas t’effrayer ou quoi que ce soit. C’est juste…
 
Il se frotta nerveusement la nuque en échappant un petit rire.
 
▬ Oh ça va sonner terrible mais t’avais l’air sympa ? Désolé si je t’ai fait peur en essayant d’être amical.
 
Il avait l’air aussi gêné qu’elle, si ce n’est plus et…. Le voir rougir comme ça la rassura. Elle aurait voulu le rassurer, lui assurer qu’elle n’avait pas fui à cause de ça. Elle avait juste eu peur… Peur de quoi ? Qu’il la trouve bizarre ? Ou pire peut-être. Mais les mots restaient coincées dans sa gorge, elle ne savait pas trop quoi faire. La situation, toute ça, c’était si… Impossible ? Alors elle se mit à rire, de manière folle et incontrôlable et bon dieu ça faisait un bien fou.
 
▬ Euh… Ca va ?
 
▬ Oui, oui ! C’est juste que… Oh mon dieu, tu dois me prendre pour une cinglée.
 
Nouveau fou rire.
 
▬ Il semblerait que tout ça parte d’un énorme malentendu.
 
Et elle lui expliqua, sa gêne lorsqu’elle s’était endormie, pourquoi elle ne passait plus au combini en s’excusant d’avoir laissé croire qu’il était en tort. Parler avec lui sembla alors la chose la plus facile du monde.
 
Il s’appelait Lee Masao, il avait 21 ans et Emiko avait déjà très envie de l’embrasser.
 
 
L’intérieur du café était tout ce qu’il y avait de plus sobre et pourtant il y avait quelque chose de si sophistiqué dans tant de simplicité que Mizuki ne pouvait s’empêcher d’être admiratif. En fait, c’était là la principale raison pour laquelle cet endroit était le lieu des rendez-vous fréquents qu’il entretenait avec Chiaki, quotidiens depuis les vacances où il profitait de leur temps libre pour passer du temps ensembles. Non pas en tant que collègues, mais en tant qu’amis.
C’était confortable, une situation dans laquelle il se sentait tout particulièrement à son aise. Il avait enfin quelqu’un pour se plaindre du travail, de l’école, des enfants. Quelqu’un qui ne le connaissait que depuis peu, c’est-à-dire ignorant son passé litigieux et ses mauvaises fréquentations (qui commençait par un K et terminé par un O.) Même après un mois, Mizuki avait toujours autant envie de l’égorger.
 
Mais pendant ses rendez-vous, il ne pensait pas à Kyo.
 
Il pensait à Chiaki et il se disait que peut-être. Peut-être que c’était la providence qui lui envoyait un moyen de tourner la page définitivement, laisser définitivement tombé ce qui n’allait pas chez lui (Kyo) et pouvoir enfin devenir l’homme nouveau qu’il avait aspiré à être depuis tout ce temps.
 
Chiaki était mignonne. Elle était d’un an son ainée mais elle était bien plus petite que lui, avec des joues toutes roses, un air naturellement candide et de longs cheveux qui ondulés comme des vagues. Lorsqu’elle souriait, elle montrait toujours toutes ses dents et jamais Mizuki n’avait vu une fille sourire autant. Si innocemment.
Il aimait bien le changement. Parce qu’elle était son complet opposé.
 
▬ Mizuki ?
 
Il leva la tête de son caramel macchiato, haussant un sourcil à l’air inquiet de la jeune femme. Elle échappa un rire discret.
 
▬ Tu as de la crème sur le nez.
 
▬ Oh.
 
Il s’empressa de l’enlever.
 
▬ Mais en dehors de ça. Tu as l’air préoccupé. Tout va bien ?
 
Mizuki craignait que ça ne se voie. Il était nerveux mais il y pensait depuis quelques jours déjà et il n’était pas sûr de vouloir sauter le pas.
Il aurait bien demandé conseil à Emiko mais elle était vraisemblablement très occupée.
C’était sa chance. Il se mordit la lèvre. Ca ne coutait rien d’essayer. Il n’aurait qu’à dire ce n’est pas grave, restons amis. C’est une formule qui fonctionne, en général, non ?
 
Il prit un air soudainement sérieux, parce qu’il l’était pardi, avançant sa main pour la poser sur celle de Chiaki. La réaction fut immédiate et jamais il n’aurait imaginé que la jeune femme puisse devenir plus écarlate sans prendre le risque d’exploser.
 
▬ Il faut que je te dise quelque chose.
 
Elle garda le silence. Elle attendait. Elle savait certainement mais elle voulait l’entendre de sa bouche. Je t’aime bien. C’était si simple à formuler dans sa tête et pourtant c’était si difficile à dire.
Il pouvait toujours essayer autrement. Lui montrer.
Il se pencha vers elle, elle fit de même, le plus naturellement du monde. Il se demandait déjà quel goût aurait ses lèvres et la seule réponse viable à cet instant-là fut vodka. A moins qu’il ne s’agisse du souvenir de son dernier baiser. Peu importe. Il ferma les yeux.
 
Pourquoi les lèvres de Chiaki étaient si éloignées ?
 
▬ Oh…
 
Lorsqu’il ouvrit les yeux, il tomba d’abord sur l’expression hébétée de la jeune femme en face de lui qui pouvait, contre toute attente, rougir davantage. Mais ce n’était pas la même teinte de rouge, celle-ci était rouge carmin, vive, comme un gyrophare et jamais une couleur n’avait si bien exprimé le mot honte.
Il tourna ensuite la tête, lentement et tout devint soudainement très clair. Trop, à son goût.
Si ce n’était pas le diable en personne qui lui souriait, penché à leur table. Il avait cette chose sur les lèvres, une grimace. Mizuki ne saurait trop dire comment mais il savait que cela n’annonçait rien de bon.
 
▬ Mizuki, comme je suis content de te voir ! Tu nous présentes ?
 
Chiaki sembla confuse, mal à l’aise, mais l’apparente sympathie (qui n’était en fait que la cruauté pure à anticiper) de Kyo sembla avoir atténuée un peu de sa honte. Elle regardait ailleurs, sa main s’était retirée de sous celle de Mizuki pour venir se cacher entre ses genoux.
Le plus jeune n’allait certainement pas se laisser marcher sur les pieds cette fois-ci. Il ne pouvait pas céder devant Kyo parce que bordel, il avait bien le droit de vivre sa vie. Mais il ne pouvait pas non plus se laisser emporter, il ne pouvait pas prendre le risque que cette conversation ne dérape. Kyo était infiniment plus fort que lui à ce jeu-là et il ne voulait surtout pas perdre. Pas cette fois. Il n’avait aucun compte à lui rendre.
 
▬ Kyo, je te présente Chiaki. Chiaki, voilà Kyo.
 
Elle se pencha poliment. Il la salua d’un large sourire et ce sourire Mizuki le connaissait et avait souhaité, il y a longtemps, ne plus jamais le revoir. Il fallait qu’il éloigne Chiaki de cet homme, et vite.
 
▬ Maintenant si tu veux bien nous excuser, on doit partir.
 
▬ Oh non, non, restez. J’adorerai discuter avec Chiaki-chan. J’ai beaucoup entendu parler de vous de la bouche de Mizuki et je mourrai d’envie de faire votre connaissance.
 
Chiaki fixa Mizuki d’un air incertain en rougissant légèrement et il ne fallut pas longtemps à ce dernier pour sentir venir les ennuis. Les sentir et savoir que c’était trop tard. Il était coincé. Elle ne voudrait pas partir maintenant que Kyo avait attiré son intérêt et il ne pouvait pas la laisser seule. Pas avec lui.
Il était foutu.
Il était foutu à cause de Kyo Saga.
Certaines choses ne changent pas.
 
Le début de la conversation fut des plus triviales et en dehors de Mizuki qui avait bien du mal à rester en place sur sa chaise, il n’y avait en apparence rien d’anormal dans ce charmant tableau de trois amis autour d’une bonne tasse de café.
Puis Kyo commença à poser des questions plus personnelles à Chiaki.
Il commença à s’approcher d’elle, à la faire rire, à poser sa main sur son genou. 
Il faisait son numéro de charme et Mizuki avait horreur de ça. Parce qu’il draguait Chiaki évidemment ! Qu’il retourne voir ses putes ou sa poupée gonflable.
Heureusement Chiaki n’était pas ce genre de fille. Il essuya un refus, timide certes mais suffisant pour qu’il n’insiste pas.
 
Alors il détourna son dévolu sur Mizuki et il n’aurait pas su dire ce qui était le plus gênant. Cette main qui se baladait impunément sur sa cuisse ou le fait qu’il se sentait subitement très à l’étroit ici.
Si seulement il avait eu la présence d’esprit de le repousser lorsqu’il remonta sa main jusque sous son t-shirt, Chiaki ne serait pas en train de le regarder bizarrement. S’il ne s’était pas étouffé avec son café lorsque sa main s’était posée brièvement juste , peut-être qu’elle n’aurait rien remarqué.
Si Kyo n’avait pas ouvert sa bouche, s’il n’avait pas eu l’air si dangereux, si possessif, si sa voix n’était pas descendu d’au moins deux octaves, peut-être qu’elle serait restée.
 
▬ Je crois que Mizuki a besoin de rester un peu seul.
 
Avait-il déclaré.
Chiaki s’était alors excusée et avait quitté les lieux rapidement.
 
S’il n’avait pas autant de mal à réfléchir à cet instant, Mizuki aurait juré qu’elle s’était mise à pleurer.
(Voilà comment Kyo avait imaginé la suite :
Mizuki serait resté aussi docile qu'il l'avait été jusqu'alors, il aurait ainsi pu en profiter pour le caresser encore et encore en attendant qu'il termine son café (en bon gentleman). Il l'aurait ensuite guidé jusqu'à sa chambre d'hôtel, ou une autre plus luxueuse, plus vaste, avec un lit king size et des draps en satin et Mizuki n'aurait pas pu attendre d'arriver pour se presser contre lui, réclamer plus, parce que de toute évidence des caresses ne seraient plus assez.
Kyo aurait concédé à l'embrasser devant la chambre, en luttant avec les clefs pour en ouvrir la porte. Il aurait pris le temps d'avoir un juste retour, pour toutes ses marques violettes qui lui avaient donné une raison de se toucher chaque soir. Oh oui il l'aurait plaqué contre cette porte, il l'aurait fait gémir, il l'aurait marqué pour s'assurer que plus personne ne tente de se l'approprier et il l'aurait très probablement pris là, aussi. À sec parce que ce garçon méritait définitivement d'être puni.
Le lit n'aurait servi qu'après, pour quand Mizuki n'aurait plus été capable de tenir debout, pour que Kyo puisse recommencer encore et encore et le dévorer entièrement jusqu'à ce qu'il ne soit plus que luxure et supplice et qu'il n'ait plus que "Kyo", "encore" et "plus fort" à la bouche.
 
Mais si Kyo savait bien quelque chose, c'est qu'il ne savait rien et certainement pas comment les événements allaient s'enchaîner. Il se contentait de fantasmer sur une hypothétique continuation, très concrète et probable puisque jusque-là son plan avait fonctionné à la perfection.
Autant dire qu'il fut très surpris lorsque Mizuki se leva brusquement. Un peu plus surpris lorsqu'il lui lança un regard qui était tout sauf chargé de désir à son égard et peut être un peu choqué lorsque sa main fit connaissance (pour la première fois depuis longtemps) avec sa joue.
Il partit furieux et étrangement Kyo ne pouvait s'empêcher de se sentir satisfait. Peut-être parce qu'il avait fait en coup de maître en faisant capoter ce rendez-vous. Peut-être parce qu'il venait d'avoir une vue imprenable sur l'entrejambe de Mizuki et putain. Cette baffe venait de le mettre exactement dans le même état.)
 
 
Le Liebestraum n°3 en Ab Majeur servait de fond sonore, doux, continu, entrainant, comme la caresse de la brise sur un fleuve. Chaque note inspirée à Emiko une balade nocturne sur les quais de la Seine, une échappée sur les gondoles de Venise, un petit morceau de légèreté, comme une friandise qui fonderait dans la bouche de mille goûts différents et pourtant uniforme pendant quatre minutes.
Mais plus que les oreilles, Emiko appréciait l’art tout autour d’elle. Des toiles, des sculptures, des modèles et même des démonstrations, du plus époustouflant de réalisme au plus grotesque et abstrait. Un régal pour les sens, pour les yeux naturellement mais également pour son odorat qui appréciait l’odeur âcre et particulièrement de la peinture sèche, celle un peu plus légère et subtile du vernis, le « terreux » de l’argile, … Certaines œuvres pouvaient également être touchés et Emiko ne perdait pas une occasion pour fermer les yeux et s’imprégner de chaque variation, chaque texture, chaque sensation que la pulpe de ses doigts pouvaient éprouvés.
Ce rendez-vous ne pouvait pas être plus parfait.
Pas avec Lee Masao à son côté, décidé à lui servir de guide et de tuteur à travers chaque couloir de la galerie, lui expliquant avec une excitation presque enfantine chaque technique de peinture, chaque histoire, chaque petits détails. Il prenait grand plaisir à déverrouiller chaque secret dont il possédait les clefs pour elle et Emiko adorait ça.
 
Contre toute attente (ou pas), le jeune homme n’était pas que le garçon du combini. Il était étudiant en art, dans une des écoles les plus prestigieuses de Tokyo et avait obtenu une bourse parce qu’il était extrêmement doué avec un pinceau entre les doigts. La jeune femme voulait bien le croire, elle n’avait aucun mal à l’imaginer dans une grande pièce, les vêtements tachés de peinture avec pour seules compagnies un large chevalet et toutes les couleurs de l’arc-en-ciel à sa disposition. Elle avait déjà vu quelques croquis qu’il avait faits, lorsqu’il était seul au combini. Les passants étaient vraisemblablement une source inépuisable d’inspiration et elle avait été plus d’une fois modèle à son insu. Pas que ça la dérangeait. Au contraire… C’était flatteur.
 
▬ La chasse au daim de Rysbrack.
 
Emiko détourna son attention d’une statue tout particulièrement étrange supposée représenter la nature. (Elle n’y voyait personnellement rien de plus qu’un canard avec deux paires de pattes et un faciès douloureusement déformé.) Lee semblait tout particulièrement absorbé par un tableau en particulier, discrètement situé et de petite taille par rapport à ceux sur lesquels il avait l’habitude de porter son attention.
 
▬ C’est une copie. L’originale est en France. Mais j’aime beaucoup ce tableau.
 
Elle se plaça à son côté, penchant la tête pour avoir un meilleur aperçu de ce dont il parlait. Elle grimaça.
Le tableau n’avait rien d’extraordinaire. Il s’agissait d’une toile qui se voulait certainement réaliste et qui portait cruellement bien son nom. Il y avait un daim au centre et une demi-douzaine de chiens de chasse se jetant sur lui de toutes parts. La suite de la scène n’était pas dure à imaginer et le sentiment donna un certain malaise à Emiko.
Elle n’aimait pas spécialement ce tableau.
 
▬ L’expression des chiens est très intéressante. Ils sont féroces, ce sont des prédateurs. Même si le daim est plus gros et plus fort qu’eux, il est dépassé par le nombre.
 
▬ C’est moche…
 
▬ Certes. Mais ce tableau à quelque chose de très humain, si on imagine tous ces chiens remplacés par des hommes. Je pense que c’est pour ça que le peintre les a fait si expressifs. Il imaginait quelque chose de plus grand, la manière dont on se rassemble naturellement pour faire le mal plutôt le bien autour de nous.
 
▬ Je n’avais pas vu ça comme ça…
 
Mais elle comprenait son point de vue et cette peinture, soudainement, lui sembla plus cruelle encore. Il échappa un rire léger.
 
▬ C’est sûrement parce que j’ai tendance à analyser les tableaux de manière alambiquée. Mais un jour, je ferai un travail sur la chasse. Pourquoi elle montre la vraie nature de l’Homme dans ce qu’il entreprend. J’ai une théorie à ce sujet.
 
Elle le fixait désormais, un sourire curieux sur ses lèvres et elle ne put s’empêcher de l’enquérir de parler un peu plus. Elle pouvait l’écouter pendant des heures sans se lasser et continuerait même s’il était en train de lui lire l’annuaire téléphonique.
 
▬ Je crois que nous sommes mieux prédisposés à la chasse que n’importe quelle espèce. Nous avons cette cruauté en nous, ce sentiment que les animaux n’ont pas et ça nous rend infiniment plus dangereux. L’Homme est capable de toutes les bassesses pour atteindre sa proie, nous tous, et je trouve cette pensée absolument terrifiante et magnifique.
 
▬ Ça ferait un beau tableau.
 
Il se remit à rire. Plus fort cette fois, comme si elle venait de dire une blague et si Emiko s’en était rendu compte, elle aurait cru qu’il se moquait d’elle.
 
▬ Oh, je ne compte pas faire un tableau. J’ai une meilleure idée.
 
▬ Ah oui ? Je pourrai voir ?
 
▬ Evidemment.
 
Il eut un sourire si doux en la regardant, si tendre, une promesse silencieuse et elle n’avait pas besoin de plus pour savoir qu’il ne laissait pas ce privilège à beaucoup ; celui de voir son travail.
Elle glissa sa main dans la sienne timidement, dans un moment de témérité qu’elle ne se saurait pas imaginé avoir et il ne la repoussa pas. Il ne la lâcha pas non plus. Jusqu’à ce qu’ils se séparent avec la promesse de se revoir très bientôt.


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(Part VI)



Lumière, impossible de s'accommoder. Perte de repère après la chute, que se passe-t-il ? À droite, à gauche, noir. Il y avait un sac sur sa tête et du sang sur sa tempe. Ça faisait mal.
 
Cet endroit sentait l'essence et la transpiration. Il y avait un goût métallique dans sa bouche et sa tête, sa tête lui faisait si mal. C'était comme si on l'avait frappé avec une barre métallique. C'était tout comme, mais ce n'était pas le cas. Sinon il y aurait le souvenir d'une lutte, quelque chose. N'importe quoi.
Non, là il n'y avait rien. Sauf des voix et des bruits de pas et ce sentiment d'être une charogne au milieu des vautours.
 
 
Plus tôt. Temps indéterminé.
Mizuki était arrivé à ce point particulier où il ne savait plus s'il avait pris la bonne décision.
Il décida donc, par pur acquis de conscience, qu'il agissait dans l'intérêt du bien commun ; que dans le pire des cas, il n'était entrain que de commettre une erreur fortuite et que dans le meilleur, sa présence permettrait d'éviter la catastrophe qui se profilait à l'horizon.
 
Lui et Kyo étaient assis à l'une des tables, en fond de salle, loin de l'avant de la boutique où se trouvaient les deux tourtereaux. Se voulant un tant soit peu discret, ils étaient de dos et n'avaient qu'à regarder dans l'immense baie vitrée ou à se tourner pour avoir une idée de ce qu'il se passait.
Mizuki ne regardait pas vraiment, il avait confiance en Emiko. Qui plus est, Lee lui avait l'air d'un garçon sympathique. Il était poli, respectueux et surtout très très amoureux de la personne en face de lui.
C'est tout ce dont Mizuki avait besoin pour donner sa bénédiction.
Ce n'était vraiment pas grand-chose, au final, de juste vouloir quelqu'un de bien pour prendre soin d'elle. Tout sauf l'imbécile qui se balançait sur sa chaise, à côté de lui.
Sans doute était-il agacé à l'idée de ne pas pouvoir venir tout gâcher. Encore. Ou nerveux ? Non non, ça, ça ne ressemblerait pas à Kyo Saga.
 
Quelque part Mizuki avait le sentiment d'avoir sa revanche. Il le tenait en laisse et cette espèce de contrôle qu'il possédait le rendait immensément satisfait, le rassurait, dans une moindre mesure.  Emiko pouvait batifoler en toute quiétude, son idiot de frère ne viendrait pas l’interrompre. Pas tant que Mizuki avait son mot à dire.
 
▬ Bordel Kyo. Arrête de t'agiter, ils vont nous remarquer.
 
Lee avait déjà regardé plusieurs fois dans leur direction et Mizuki était presque certain qu'il les avait remarqués depuis un bon moment déjà. Il ne semblait pas gêner cela dit, alors… On ne sait jamais.
 
▬ Je le sens pas, je te dis. Je suis sûr de l'avoir déjà vu en plus, je le sens pas.
 
▬ Il travaille dans le combini à côté de ton hôtel. Forcément que tu l'as déjà vu.
 
Kyo ne sembla pas convaincu par tant de rationalité et continua à marmonner dans sa barbe en fixant le reflet dans la vitre. Franchement...
 
Contrairement à Mizuki, il n’avait pas touché à la gaufre en face de lui, ni même à sa boisson qui fumait encore légèrement. Si le plus jeune n’était pas si affamé, et ennuyé par la situation en général, il aurait sans doute résisté à l’envie de voler dans l’assiette de son voisin. La tentation fut hélas trop forte et il trouva une consolation non négligeable dans la nourriture, lui donnant une raison supplémentaire de ne pas regretter tant que ça d’être venu.
 
▬ Ils ont l'air heureux, tu trouves pas ?
 
Mizuki leva le nez, la bouche pleine et le sentiment que Kyo allait faire un commentaire à ce propos. Le plus âgé ne saisit pas cette occasion, préférant enfoncer un peu plus sa tête entre ses épaules en se rongeant l’ongle du pouce.
 
▬ J'ai l'impression qu'il l'aime beaucoup.
 
Il avait du mal à le croire. A croire que c’était Kyo qui pensait ses inquiétudes à voix haute. Lui qui était d’habituel si confiant et arrogant avec la vie en générale. Lui qui ne respectait rien ni personne… Il semblait si abattu que Mizuki aura cru à quelqu’un d’autre. Il sentit son estomac se nouait et la gaufre en face de lui semblait soudainement fade et sans interêt.
C’était ce sentiment qu’il avait avec les enfants, ceux qui ne cessent jamais de sourire, jusqu’au jour où ils se mettent à pleurer sans que l’on en connaisse la raison.
Il avala son bout de gaufre difficilement et jeta un œil derrière son épaule pour ne voir que le tableau idyllique de deux adolescents amoureux, parlant d'avenir, de bonheur et de comment inclure le mot "nous" dans l'équation.
 
Sa réponse n’eut pas le message que ses mots auraient dû porter.
 
▬ J’ai l’impression, oui…
 
Ce n’était pas de la joie, c’était amer. Amer et triste et Mizuki se sentait coupable pour ça. Il savait d’où venait ce sentiment, son nom et sa cause, il n’était pas idiot. Il refusait simplement de l’admettre.
Pourquoi serait-il jaloux ? C’était absurde.
En tournant son attention de nouveau vers Kyo il n'eut pourtant pas le cœur de rejeter complètement cette hypothèse.
 
Emiko a beaucoup de chance.
 
Il ne se rendit pas compte qu'il avait formulé cette dernière pensée à haute voix.
 
▬ Ça va ?
 
L'air sincèrement concerné de son vis-à-vis lui arracha un léger sourire avant qu'il ne se renfrogne, encore, et remette toutes ses émotions dans une bouteille, bien fermée.
Il avait conscience de se laisser aller et à chaque fois qu’il jetait un œil derrière lui, c’était comme si on arrachait quelques bouts de plus de la coquille qu’il avait mis tant de temps à former autour de lui.
 
▬ Ouais, je suis content pour elle.
 
▬ Pourquoi ?
 
▬ Oh. Il l'aime et il n'a pas l'air d'avoir envie de s'enfuir.
 
Silence.
Il n’avait pas voulu paraître si amer, mais le mal était fait. Ce n’est pas comme si les choses pouvaient empirées, si ?
 
▬ Tu m'en veux encore, hein ?
 
Encore maintenant il ne saurait dire si ce sont ses mots ou l'absence de moquerie dans sa voix qui l'avait le plus pris au dépourvu.
Ou peut-être parce qu'il faisait référence au fait qu'il était parti pendant quatre ans, loin de lui, et que Mizuki était devenu tellement déçu par Kyo, en général, qu'il avait fini par ne plus y penser.
 
▬ Tu mérites un Lee Masao toi aussi, mais je ne suis pas encore prêt à lâcher le morceau.
 
C'était bien la première fois que quelque chose de sensée sortait de cette bouche et pourtant. Il avait l’impression d’écouter une guitare mal accordée, quelqu’un qui chante faux. C’était essayé de mettre une pièce de puzzle là où elle ne va pas ; ça n’avait pas de sens pour Mizuki. Aucun.
Ce n'était qu'un mot pourtant « encore » mais, il y avait tellement de poids et de renoncement dans ce petit bout de phrase. C’était un bruit qui faisait mal, une plainte d’animal blessé qui voulait bien se battre un peu plus mais qui avait déjà renoncé.
Et savoir que Kyo Saga renonçait, ça ne lui plaisait pas. Ca l’agaçait même.
Pourquoi me diriez-vous ? Il ne devrait pas se sentir fâché, trahi, il devrait s’en satisfaire parce que n’est-pas là ce qu’il voulait ? Depuis le début ? Ou peut-être que si, il devait être en colère. Tout ce temps à lui pourrir la vie pour baisser les bras ? Si facilement ? Pour rien ? C'était se foutre de la gueule du monde, non ? Il n'avait qu'à s'abstenir dans un premier temps ? Leur foutre la paix ? Comme il l'avait suggéré il y a quelques mois déjà ? C'est n'importe quoi ?
 
▬ T'as raison. Emi a de la chance, tellement de chance. Elle a eu le meilleur grand frère du monde pour veiller sur elle.
 
Dans cette phrase, il n'avait jamais été question de Kyo. Et ça, Mizuki le savait.
 
Le plus âgé se leva alors et il força un sourire et Mizuki comprit, trop tard, les pensées de son vis-à-vis. Il comprit trop tard et pourtant il connaissait ce sentiment si bien.
 
Que sommes-nous supposer faire lorsque nous sommes incapables de rendre heureux ceux que l’on aime, de les garder près de soi et de prendre soin d’eux ?
 
On a le cœur brisé.
 
Tout simplement.
 
Et on les laisse partir.
 
 
Les voix s’éloignaient, s’approchaient, s’éloignaient. Encore, encore. Parfois elles chuchotaient, parfois elles criaient, parfois ce n’était qu’un marmonnement étouffé par le claquement des chaînes et le bruit distinct de mécanismes. Un moteur. Une scie. Difficile à savoir.
Le sac était encore là, bloquant tout moyen de s’assurer de quelconques spéculations. Il n’y avait qu’un sens pour s’orienter et le brouhaha ambiant rendait la tâche difficile. Impossible.
 
Inutile d’insister, cela faisait déjà trop d’heures à essayer vainement de savoir et comment et pourquoi.
 
 
Kyo avait fini par faire de la nuit sa constante universelle. Peu importe comment il se sentait, où il se trouvait, pourquoi il s’y rendait, on finissait toujours par l’apercevoir dehors et bien souvent jusqu’à l’aube.
C’était un élément avec lequel il était familier, sa zone de confort. Dans ce milieu, il savait exactement où il avançait, il connaissait les codes et les conventions, il savait ce qu’il fallait et ce qu’il ne fallait pas faire. Il était maître du jeu et jamais, jamais personne ne l’avait dominé sur son terrain de prédilection.
C’était comme s’il hantait cet endroit, le possédait à la manière d’un spectre agité. Les néons reflétaient la couleur irréelle de ses iris, la musique faisait trembler sa cage thoracique, résonnant aussi fort que le tumulte de ses pensées et son corps suivait le rythme sans même avoir besoin de l’écouter. Il le connaissait d’intuition, d’instinct, le mouvement, la posture que le pantin désarticulé devait adopter ; droite, gauche, droite, gauche, il se balançait, il bougeait, il se mouvait, dans la foule il passait inaperçu et pourtant tout le monde le regardait.
 
Comme toujours.
 
Cela n’avait simplement pas le même charme que d’habitude.
 
Ses regards sur lui ne semblaient pas approbateurs ou intéressaient dans un sens purement charnel et physique. Ce n’était ni flatteur, ni curieux, ni intrigué. C’était oppressant et perçant, comme si tout le monde savait, et il ne se sentait plus si maître que ça.
 
Il se tourna donc vers les basses avant que ses épaules, ses hanches, son corps tout entier cesse de se mouvoir. Il ne réalisa pas d’abord, il était paralysé par l’illusion et l’instant mais surtout ça. C’était Mizuki qui se mouvait plus lascivement que toutes les femmes sur la piste avec un sourire effacé, puis plus subjectif lorsqu’il remarqua l’attention que Kyo lui portait. Il se mordait la lèvre, bougeait ses hanches et le plus âgé ne savait que faire. Plus que ça, c’était son regard qui l’électrisait, si intense qu’il cru voir ce Mizuki qui l’avait plaqué contre cette porte. Brusque, brutal, tout autour de lui.
Quelques secondes et le charme fut rompu. Ce n’était qu’un parfait inconnu.
Il sentit alors le besoin urgent de rejoindre les cabinets. Le dehors. Partout, sauf ici.
 
Comment est-ce qu’il pouvait penser à lui comme ça ?
 
A peine avait-il passé le pas de la porte des toilettes qu’il rendit le contenu de son estomac dans la cuvette, si fort et si longtemps, que des larmes avaient perlé aux coins de ses yeux translucides.
 
Le sol lui sembla soudainement confortable et il décida de s’y asseoir, malgré l’odeur d’urine et de gerbe et de sexe qui flottait et lui donnait de nouveaux hauts le cœur. Il prit sa tête entre ses mains, il se balança légèrement contre la porte du WC. Il avait encore le goût de la bile dans la bouche et le sentiment qu’il était dans un cul de sac.
 
Il avait envie de continuer, d’essayer encore, mais il n’avait plus vraiment la force.
Peut-être qu’il était temps pour lui de retourner en Californie, là où ses ennuis se résumaient à son anglais hasardeux.
Emiko n’avait plus besoin de lui. S’il était honnête, il se devait même d’avouer qu’elle n’avait pas eu besoin de lui pendant quatre ans, et au-delà. Elle avait eu Mizuki Yanase. Maintenant elle avait Lee Masao. Kyo Saga n’était définitivement plus un prérequis ; à la rigueur un bibelot à valeur sentimentale.
Pour Mizuki, c’était plus dur encore que ce sentiment d’être inutile. Il n’était pas voulu. Il n’était plus voulu. Il avait trop insisté. Trop tiré sur la corde. Elle venait de craquer entre ses mains, alors qu’il aurait peut-être eu sa chance. S’il avait été moins impatient, moins lui.
Après tout, il n’était qu’un parasite. Personne n’en a besoin, personne n’en veut d’ailleurs. Mais c’est là quand même et ça ne part que rarement. C’est une putain égoïste, un parasite, c’est détestable et détesté.
 
Il fut contraint de se redresser pour vomir encore.
 
Son estomac était du même avis que lui.
Il ne lui restait donc plus qu’à attendre que son cœur soit d’avis de passer à autre chose.
 


Morphée relâchait son étreinte, douce et rassurante. Retour à la réalité, à l’inconfort des liens sciant la peau des poignets et des chevilles, à la position recroquevillée sur la chaise, au scotch sur les lèvres, à l’obscurité sous le capuchon. Plus un bruit aux alentours, cela dit.
Combien de temps s’était-il écoulé ? Peut-être dix minutes, peut être une heure, peut-être plus. Pas envie de savoir.
 
▬ Regardez qui est de retour parmi nous.
 
Le capuchon fut brutalement arraché. Le lieu était plongé dans l’obscurité, mais on y distinguait tout de même des silhouettes, des machines, des épaves. Il s’agissait de toute évidence d’un entrepôt habité par trois hommes et une femme.
Cette dernière venait de parler, mais elle était bien trop en retrait pour pouvoir la décrire précisément.
Un des hommes s’avança et se pencha devant la chaise. Il avait les cheveux gominés, des fossettes prononcés et un regard perçant. Il garda le silence, il se contentait de regarder, attendant possiblement une réaction de la part de son vis-à-vis.
 
▬ Raytoku ~ Bouge de là, tu vas lui faire peur !
 
Un autre avança, geignant derrière le dénommé Raytoku qui ne lui prêta pas la moindre attention. Il avait un large sourire, le sourire du chat de Cheshire, un accent thaïlandais prononcé et les cheveux en bataille. Deux hommes qu’on ne soupçonnerait pas de kidnapping, si on venait à les croiser dans la rue.
 
Le dernier homme resta silencieux. Il était grand, impressionnant vu de cette chaise. Il ne bougea pas.
 
▬ Kyet. Va chercher le matériel.
 
La voix de Raytoku était un frisson glacial tout le long de l’échine.
Le thaïlandais s’empressa d’obéir avec une excitation presque malsaine. La même réaction aurait pu être obtenue en promettant une glace à un enfant.
Il revint avec une caisse dans chaque main, les posant toutes deux sur une table pour en sortir le contenu. Il était impossible de distinguer vraiment de quoi il s’agissait, mais avec un peu d’imagination on pouvait aisément en avoir idée. Hélas.
Il tendit ensuite une pince à Raytoku qui se redressa sous le regard attentif de leurs acolytes silencieux.
 
▬ Il est temps de nous dévoiler tout ce que tu sais sur Kyo Saga, tu ne penses pas ?
 
Sa seule réponse fut un marmonnement, ressemblant à s’y méprendre à une insulte.
 
 
Les toilettes n’étaient pas si mal, après y être resté plusieurs heures à attendre que les vomissements ne cessent enfin. Kyo n’avait même pas pris la peine de tirer la chasse en partant. L’odeur serait sa petite vengeance personnelle pour les deux connasses qui étaient en train de se tripoter dans le WC d’à côté. Il les entendait gémir depuis plus d’une heure et c’était bien la première fois que deux lesbiennes ne lui faisaient pas le moindre effet.
Pour sûr, il n’avait pas besoin d’autres signes pour savoir qu’il était au fond du gouffre.
 
Il avait traversé la boîte rapidement, la musique tapant sur son crâne comme l’aurait fait un marteau-piqueur. En rythme. Plus il avançait, plus il sentait son corps devenir lourd, son rythme cardiaque s’accélérait. Bientôt, des fourmis lui chatouillaient les pieds, les doigts. Il avait soif, aussi. Mais il n’y pensait plus vraiment. Il avait l’esprit ailleurs, très loin.
Quelle idée d’avoir pris cette saloperie. Pour une fois, il regretta.
 
Vous êtes bien sur la messagerie de Mizuki. J’suis occupé, ou en classe alors laissez un message après le bip sonore !
 
C’était la troisième fois (ou était-ce la quatrième) qu’il appelait ce numéro et il ne savait plus si c’était pour écouter le message du répondeur ou pour parler à Mizuki. Il avait laissé tomber la deuxième idée, il ne répondait pas de toute façon. Il était déjà deux heures, il devait dormir. Sans doute.
 
Vous êtes bien sur la messagerie de Mizuki. J’suis occupé, ou en classe alors laissez un message après le bip sonore !
 
Cette décharge était un endroit fascinant et curieusement inhabité. On y trouvait toutes sortes de merveilles, laissées à l’abandon par le commun des mortels. Des épaves, des parpaings, des pneus, des réfrigérateurs, des batteries, des pots de peinture, des ordinateurs, des meubles, des matelas. Que des choses brisées, cassées, inadaptées à l’emploi. Certaines auraient pu être réparées, pour d’autres il était trop tard. Mais l’ensemble lui rappelait ses soirées dans les QG de gangs, à regarder la pourriture du monde dont il faisait partie et il se sentit un peu comme à la maison.
 
Vous êtes bien sur la messagerie de Mizuki. J’suis occupé, ou en classe alors laissez un message après le bip sonore !
 
Il s’avachit sur un des sofas posé dans les restes d’un paquebot. L’endroit avait déjà été occupé, à en croire les mégots et les cadavres de bières qui jonchaient le sol. Il fouilla dans ses poches et en tira un paquet de cigarettes. Il continua de chercher et ne trouva rien de plus que son briquet.
 
Vous êtes bien sur la messagerie de Mizuki. J’suis occupé, ou en classe alors laissez un message après le bip sonore !
 
Le bout s’embrasa lentement mais surement au contact de la flamme. Il avait du mal à rester immobile, sa main tremblait, ses doigts tenaient difficilement sa clope et le feu mais il parvint tout de même à l’allumer, à la porter jusqu’à ses lèvres et à la retirer pour cracher un peu de la fumée qui lui noircissait les poumons.
Il aurait pu rester des heures à regarder la crasse qui sortait de son corps mais il prit son téléphone de nouveau et composa pour la énième fois le même numéro.
 
Vous êtes bien sur la messagerie de Mizuki. J’suis occupé, ou en classe alors laissez un message après le bip sonore !
 
 
Plus d’une heure déjà et pas une parole, pas un aveu n’était sorti de sa bouche. Raytoku semblait agacé par une telle résistance. Il demanda le rouleau de chatterton, en arracha un large morceau avec ses dents avant de le placer sur sa bouche. Si aucun mot ne voulait sortir, il ne prendrait pas le risque de se faire à nouveau cracher dessus.
Il reposa également le capuchon sur sa tête.
 
▬ Patron, si vous ne me laissez pas appliquer mes méthodes, on ne risque pas d’avoir le moindre résultat.
 
Déclara-t-il et même sans le voir, il était aisé de deviner qu’il fronçait les sourcils, probablement à l’intention de l’homme au fond de la salle. Ce dernier n’avait certainement pas bougé. Il était resté immobile depuis le début, , comme un spectateur. Encore une fois, il ne pipa mot et Kyet répondit à sa place.
 
▬ Si tu abîmes son corps, Boss ne pourra plus jouer avec ~
 
Sa voix avait ce côté terriblement agaçant et enfantin et sucré. C’était de la barbe à papa, on avait envie de vomir à trop en manger. Et dans cette situation précise, après une heure à écouter ses commentaires, c’était l’overdose.
Ah, si ces liens n’étaient pas aussi serrés, cet homme l’aurait déjà fermé depuis très longtemps.
 
▬ Qu’il essaye lui-même alors. Je vais prendre l’air.
 
Il y eut un bruit métallique, certainement celui de la pince qui venait d’être posé à côté des autres ustensiles et une paire de bruits de pas se dirigeant vers la sortie. Puis la porte. Puis un soupir.
 
▬ Dépêche-toi. Il est déjà deux heures du matin et j’ai mieux à faire de mes soirées. Franchement.
 
Une paire de talon claqua bruyamment et la porte s’ouvrit et se ferma de nouveau.
 
Le silence fut lourd et pesant pendant de longues minutes, interminables, à tenter de desserrer les cordes qui retenaient prisonniers ses membres engourdis. Il n’y avait que le bruit de leurs respirations ;  l’une légère presque inaudible et l’autre, saccadée et étouffée par le morceau de scotch qui obstruait sa bouche.
Un téléphone vibra. Encore.
 
Il y eut un bruit de pas. Deux, trois. Puis la sensation de proximité. Un clac. Quelque chose de froid glissa dans le col de son haut, appuya doucement contre sa peau avant de descendre.
 
▬ J’ai une théorie à ce sujet.
 
Le vêtement se déchira facilement au contact de la lame et bientôt il n’était pas dur de deviner que le haut de son corps était entièrement exposé, dénudé. Les liens étaient trop serrés, il était inutile de se débattre et pourtant. Sa respiration se fit plus irrégulière, plus bruyante aussi, si bien qu’il était difficile de percevoir ce qu’il susurrait dans le creux de son oreille.
Son cœur se serra.
 
▬ Nous sommes des chasseurs.
 
Une par une, ses chaussures furent retirées. Puis ses chaussettes.
Ses yeux piquaient.
 
▬ Tu seras mon trophée.
 
Il força ses hanches à se lever pour tirer sur son pantalon.
Son corps entier tremblait.
 
▬ Ensuite ce sera Kyo Saga.
 
Il fit de même avec ses sous-vêtements.
Des sanglots lui échappaient.
 
▬ Oh si tu te voyais… Un chef d’œuvre.
 
Si des larmes coulaient déjà, ce ne fut que lorsque le capuchon fut retiré qu’ils le remarquèrent tous les deux.
Lee arracha le scotch de sa bouche pour l'embrasser et à cet instant, à cet instant précis Emiko n'avait qu'une envie. Disparaître.

Ce placard était rempli de souvenirs. Des bibelots, des photos, des cadeaux, des tas de choses que n’importe qui aurait jetées, à la première occasion.
Pas Mizuki.
Peut-être était-il devenu sentimental en vieillissant. Peut-être était-ce simplement sa façon à lui de garder le passé sous contrôle, caché et verrouillé par une petite clef dans un des tiroirs de sa commode.
Il ne cherchait pas vraiment à se justifier, de toute façon. C’était un endroit confortable pour réfléchir, prendre du recul. Après tout, quoi de mieux pour prendre du recul que de retourner en arrière ?
 
Il glissa la petite clef dans la serrure.
 
La voilà, la boîte aux trésors.
 
Il jeta d’abord un œil nostalgique à sa drôle de collection. Une photo de sa mère qui ne devait pas être plus vieille que lui au moment où elle fut prise. Un coquillage dont l’histoire ne lui revenait pas encore. Des capsules de bouteille. Des cartes postales. Une des nombreuses lettres que lui avait envoyées Ban pendant ces dernières années. Son vieux vieux bonnet qu’il ne lâchait jamais quand il était gamin. Des CDs qu’on lui avait offerts. Un collier dont la chaîne était brisée.
Il le prit et le tira du tiroir pour le regarder.
C’était un de ces colliers idiots dont on offrait un bout à quelqu’un d’important. Il avait eu la moitié du yin yang. La partie blanche. Celle supposait représenter la part féminine de la nature. Ah, quand il l’avait appris celle-là, c’était dans un amphithéâtre rempli à craquer et jamais il n’avait eu l’impression que le monde se foutait de lui autant que ce jour-là.
Quand il y repensait, ça le faisait presque rire. Et dire que c’était la seule chose qu’il avait de Kyo dans ce tiroir.
 
Il recula pour s’asseoir sur son lit, agitant le pendentif doucement devant lui.
 
Ils s’étaient retrouvés grâce à ce bout de métal insignifiant. Comment avait-il dit déjà ? Tu es mon frère. Mizuki échappa un rire nerveux. Ouais, non, heureusement ce n’était pas le cas. Mais est-ce qu’il devait remercier ou maudire ce bout de métal ? Il n’était pas sur de la réponse.
 
Le pendentif retrouva sa place dans le tiroir, la clef dans la serrure. Clac. Fin de l’histoire.
Ou pas tout à fait.
 
Il était trois heures et demie du matin, il avait trente-et-un appels manqués, et un message.
 
Vingt-huit appels de Kyo. Trois appels d’Emiko.
Un message de Kimiko Sasebayashi.
 
De : Kimiko
Reçu à 02h58
 
Supprime ce message dès que tu le recevras. Ne réponds pas non plus.
Je fais ça en souvenir de notre amitié et de nos anciens liens avec Eldorado.
Ta petite protégée va avoir des ennuis bientôt. Emmène son frère à l’adresse ci-jointe (n’hésite pas à jouer de tes charmes, je sais qu’il a faible pour toi) et aucun mal ne lui sera fait. L’homme qui l’a enlevé ne veut aucun mal à Emiko, simplement des informations sur l’emplacement de Saga.
C’est tout ce que je peux faire pour t’aider. Ne préviens pas les autorités, agis seul et tout se passera pour le mieux.
Une amie.
Elle avait beau s’être débattu, elle avait beau avoir crié, appelé à l’aide, ça n’avait servi à rien. Elle avait dû rester là, impuissante, à regarder, à sentir, à haïr son corps de réagir de la sorte. Elle n’avait pas voulu éprouver de plaisir face à ça, elle n’avait pas voulu et pourtant. Il arriva un moment où elle arrêta de gigoter, elle arrêta d’essayer, d’espérer. Elle se contenta de fermer les yeux, de penser à des choses agréables et de pleurer en silence. Le temps ne passa pas plus vite et ce ne fut pas moins douloureux.
 
Il se suçotait encore les doigts, naviguant entièrement habillé dans la pièce en la toisant. A aucun moment il n’avait pris la peine d’enlever ne serait-ce qu’une couche de vêtements, comme pour marquer sa domination. Il l’avait répété tant de fois, il était un chasseur et Emiko était sa proie, une proie parmi tant d’autres.
Il semblait toujours prendre plaisir à la regarder dans son état, complètement nue et couverte de fluides en tout genre, dégoutante. Poisseuse. Sale
 
▬ Il ne manquerait qu’un peu de sang pour sublimer le tableau. Qu’en penses-tu ?
 
Il y a une heure, elle l’aurait traité de fou dangereux, lui aurait craché dessus, aurait tenté de s’enfuir. Elle ne répondit pas. Elle resta silencieuse et fixa un point aléatoire dans le décor en espérant que ce quelque chose l’emmènerait loin d’ici.
Il se pencha vers elle et attrapa fermement son visage, la forçant à le regarder.
 
▬ Tu n’as toujours rien à dire sur ton grand frère, n’est-ce pas ?
 
Silence.
 
▬ Je suis un homme patient Emiko. J’attendrais, le temps qu’il faudra.
 
Sa main se décala ensuite, légèrement, et elle crut que c’était fini. Qu’il arrêtait enfin de la toucher. Non, non bien sûr que non.
Il la gifla avant de ressaisir sa mâchoire plus brusquement.
 
▬ Rajoutons un peu de sang à notre œuvre d’art. Le sperme seul, je trouve ça fade.
 
 
Il n’hésita pas.
Pas une seule seconde.
 
Il avait ce revolver dans sa main, tremblante mais sa prise était ferme. Il appuyait le canon contre le dos de Kyo mais son regarde ne quittait pas celui d’Emiko.
 
Je vais te sortir de là, tout va s’arranger, il essayait de lui dire. Mais elle n’était pas réceptive à ce message. Elle sanglotait, tremblante, et ses larmes se mêlaient au sang qui lui maculait les joues. Son souffle remplissait le silence et parfois elle suppliait, doucement.
 
▬ Ne fais pas ça, ne fais pas ça.
 
23 minutes plus tôt
 
De : Moi
Envoyé à 03h21
 
Kyo, il faut qu’on parle
 
De : Moi
Envoyé à 03h22
 
C’est important
 
De : Moi
Envoyé à 03h23
 
Je t’envoie l’adresse, on se retrouve là-bas
 
 
Il n’attendit pas la réponse. Il sortit de la maison après avoir récupéré l’arme cachée dans le double-fond du buffet.
 
 
15 minutes plus tôt
 
C’était un vaste entrepôt de l’extérieur, inoccupé à première vue. Cela dit Mizuki avait confiance en Kimiko, elle ne l’avait jamais pris en traitre, elle ne lui avait jamais menti. Si Emiko était quelque part, c’était là-dedans et il priait, il priait pour que ce ne soit pas trop tard.
 
9 minutes plus tôt
Enfin Kyo était là !
Il avait l’air bizarre, pâle (plus que d’habitude) mais Mizuki évacua toutes traces d’inquiétudes d’un revers de main. Ce n’était pas le moment de se poser de questions ni même de… Peu importe.
 
▬ Ça va ? Tu as l’air nerveux.
 
Demanda le plus âgé d’une voix caverneuse. Est-ce qu’il avait… Non, non !
Mizuki reprit contenance, se voulant le plus confiant possible.
 
▬ Oui, tout va bien. Suis-moi.
 
Il s’attendait à une résistance, une question, mais Kyo se contenta de le scruter quelques brefs instants avant de le suivre. Cette réaction ne devrait pas l’agacé autant.
 
3 minutes plus tôt
Kyo était devant lui, piétinant jusqu’à la porte de l’entrepôt. Le plus jeune sortit son arme, sans un bruit et lui demanda d’ouvrir la porte.
 
Il la vit alors ; Emiko. Puis Lee Masao et bordel. Il ne s’attendait pas à voir ce type. Il ne s’attendait pas à ce que ce soit lui. Il avait donné sa bénédiction à ça ? Il avait laissé ça se produire ?
Si ce dernier ne s’était pas mis à parler, son air naviguant entre agacé et agréablement surpris, Mizuki n’aurait certainement pas réagi.
 
▬ Mais regardez qui nous rend visite.
 
Kyo se figea en face de lui.
Désolé, désolé, désolé.
 
▬ Je ne pensais pas que tu viendrais nous rendre visite si vite Saga. A moins que…
 
Lee tourna le regard vers Mizuki.
 
Il n’hésita pas.
Pas une seule seconde.
 
Il avait ce revolver dans sa main, tremblante mais sa prise était ferme. Il appuyait le canon contre le dos de Kyo mais son regarde ne quittait pas celui d’Emiko.
 
Je vais te sortir de là, tout va s’arranger, il essayait de lui dire. Mais elle n’était pas réceptive à ce message. Elle sanglotait, tremblante, et ses larmes se mêlaient au sang qui lui maculait les joues. Son souffle remplissait le silence et parfois elle suppliait, doucement.
 
▬ Ne fais pas ça, ne fais pas ça.
 
Je suis désolé.
 
▬ C’est bien ce que je pensais. Ah, quel plaisir de vous voir, Mizuki-san.
 
Kyo tourna doucement la tête et Mizuki le voyait déjà. La trahison, la déception, la douleur. Il ne s’y était pas préparé, il avait agi dans le feu de l’action et maintenant il regrettait ? Non, il ne pouvait pas se permettre de regretter. Pas maintenant. Plus maintenant.
Mais ce n’était pas de la trahison qu’il voyait dans ce visage, c’était un sourire ?
Il ne s’était pas préparé à ça, non plus.
 
▬ Dépêche-toi de la sortir de là. Elle a besoin de son grand frère.
 
Mais, c’est toi son grand frère. Ses paroles restèrent coincées dans sa gorge et une fois de plus, Lee se manifesta.
 
▬ Allons, allons. Amenez Saga par ici. Vous pourrez partir avec Emiko ensuite. Et merci, naturellement. Vous me faites économiser un temps précieux.
 
Mizuki n’eut pas besoin de le pousser ni de le menacer que Kyo avançait déjà, vers ce type, vers la potence. C’était le couloir vers la mort et aucune issue n’était en vue.
Une fois à portée, Lee arracha l’arme des mains de Mizuki et la posa sur la tempe de Kyo.
 
▬ Va récupérer la gamine.
 
La dernière chose qu’il vit dans le regard de Kyo fut de la gratitude.
Il se dépécha de défaire les liens d’Emiko, de la couvrir avec sa veste, de la serrer contre lui. Elle pleurait plus fort, essayait faiblement de se défaire de son étreinte.
Désolé, désolé, désolé.
 
Il la força à garder sa tête contre lui, à ne pas regarder. Puis il ferma les yeux.
 
▬ Ca fait tellement longtemps que je te cours après Saga. Dès que j’ai repris les rênes d’Atlantide j’espérai sincèrement te tomber dessus. Le nain français a pas été capable de te faire bouffer le pissenlit par la racine. Oméga non plus. Ensuite t’as disparu et tu reviens. Tu reviens et je vais pouvoir te tirer une balle entre les deux yeux après avoir baisé ta sœur.
 
Il entendit la roulette du revolver.
 
▬ Fallait pas me chauffer Saga. Les gros poissons finissent toujours par bouffer les petits.
 
Il attendit. Une détonation. Quelque chose qui tombe. Puis plus rien. 
 
Lorsque Mizuki ouvrit les yeux, il se rendit compte qu'il pleurait.
Il se rendit également compte qu'Emiko n'était plus cachée contre lui. Elle regardait derrière lui. Elle semblait horrifiée, tétanisée et sa bouche était ouverte de sorte à en que l'on eut cru à un cri muet.
Il se rendit compte que le silence était de retour dans la pièce.
Il se rendit compte en tournant la tête qu'il y avait du sang sur le sol, glissant sur la sciure de bois, au travers du planché…
Il se rendit compte que la porte était restée ouverte et que quelqu'un observait la scène de là, sans un mot sans un bruit, comme par respect.
Puis il se rendit compte que Kyo était à genoux et que Lee aussi n'était plus debout.
Il était allongé, par terre, et le revolver avait glissé un peu plus loin, dans la mare de sang qui sortait de son crâne.
 
▬ Kyo ?
 
Pas de réponse.
 
▬ J'aurai aimé intervenir plus tôt mais il a fallu se débarrasser des deux autres.
 
Il tourna la tête vers la porte.
 
▬ Kimiko ?
 
▬ J'ai bien cru que tu ne me ferais pas confiance, au départ. Mais encore une fois, tu ne m'as pas déçu.
 
Alors... Alors c'est fini ?
Un bruit retentit du fond de la salle, c'était un rire sonore, hilare, nerveux. C'était Kyo qui se réveillait de sa léthargie. Il était vivant.
 
Merci.
 
Mizuki se sentit défaillir et tomba à genoux avec Emiko dans ses bras.
 
Dieu merci.
 
Elle ne se débattait plus, elle se pressa simplement contre son torse. Elle était abîmée, détruite, anéantie, mais au moins elle était en sécurité désormais.
 
▬ Inutile de me remercier, je viens juste de tuer le boss du plus gros gang de Tokyo. Rien de bien méchant.
 
▬ Merci.
 
L'air faussement agacé de la jeune femme se transforma en un sourire aimable.
 
▬ Je t'en devais plus d'une, Yanase. Ce n'est pas la peine de dire merci. Prenez votre temps, je vais faire ramasser tout ça.
 
Mizuki acquiesça.
Pendant ce temps Kyo s'était relevé. Il avait cessé de rire aussi, et il sembla soudainement plus pale que lorsque Lee le menaçait avec un canon braqué sur sa tempe. C'était le visage d'un homme qui revenait de loin, très loin, et il regardait Mizuki et Emiko comme Ulysse regarderait Pénélope et son fils à son retour de Troie.
 
Mizuki tendit le bras sans vraiment y réfléchir, l'invitant à les rejoindre et même si Kyo hésita, il ne tarda pas à d'agenouiller près d'eux pour les prendre contre lui.
 
▬ Kyo ?
 
▬ Hmnn...
 
▬ Je te l'ai pas dit quand tu es revenu mais... Bienvenue à la maison.
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MessageSujet: Re: Infinity on High   Infinity on High EmptyMar 2 Fév - 0:39

(Part VII)


Pas un mot.
 
Un mois déjà et pas un mot n’était sorti de sa bouche depuis.
 
Emiko resta, pour la énième fois, silencieuse face au psychanalyste qui s’était armé de patience pour l’entendre parler. Mais elle ne parla pas, elle attendit et à force de questions, elle se mit à pleurer. Encore.
 
C’était devenu une forme de routine, un sentier qu’elle empruntait chaque jour comme si elle avait fait cela toute sa vie. Se lever, supporter les regards inquiets de Kyo et Mizuki, supporter leur bienveillance, supporter leur pitié, supporter le trajet en voiture, supporter la thérapie, supporter le retour, supporter le repas, supporter de vomir, supporter de rester des heures sous la douche, supporter ses cauchemars, supporter.
Elle était fatiguée de ressentir constamment ce mot, comme un poids sur ses frêles épaules. Mais elle était encore là, et bien que parfois elle eut souhaité le contraire, elle ne serait jamais assez reconnaissante envers son frère d’être venu la sauver.
 
Kyo serait mort si cette femme n’était pas intervenue. Kyo aurait donné sa vie, avec le sourire.
 
Quant à Mizuki, une part d’elle avait envie de lui en vouloir, pour le sacrifice qu’il s’était apprêté à commettre. Mais une autre, une autre ne se sentait pas le cœur de le détester. Si Kyo était mort là-bas, Mizuki l’aurait sans doute suivi. C’était un suicide.
C’est ce qu’Emiko ne pouvait s’empêcher de penser en le voyant errer dans la maison, serrer les murs et rester loin d’eux. Il se sentait coupable, il hantait la maison presque autant qu’elle. A la différence qu’il n’était que rarement là, ces derniers temps.
Il était constamment au téléphone, toujours ailleurs, tout le temps occupé. Emiko n’était pas stupide, Kyo non plus d’ailleurs, ils avaient bien fini par deviner de quoi il s’agissait. Cette Kimiko avait aidé mais elle espérait tout de même un retour (malgré ses paroles). Aucun d’eux ne fit quoi que ce soit, cela dit. Si c’était son moyen pour lui d’alléger sa conscience, payer sa dette, ils n’avaient aucune objection à faire.
Contre toute attente, Kyo, celui qui avait frôlé la mort, lui avait confessé qu’il n’était pas plus atteint que ça. Ce n’était pas la première fois qu’il frôlait la mort, pour rien au monde il n’aurait souhaité que Mizuki le fasse passer avant elle, il aurait voulu arrivé plus tôt, empêcher le mal de se faire. C’était son seul regret. Mais ils étaient tous vivants, et il se sentait plein de gratitude rien que pour cela.
Quand Emiko repensait à Tori, elle pouvait comprendre.
 
Elle posa des coquelicots1 chaque semaine sur sa tombe.
 
Puis le docteur refusa qu’elle sorte dehors, parce qu’elle était trop maigre, trop faible. Qu’elle risquait d’autant de tomber malade.
Kyo lui assura que quelqu’un continuait à mettre des coquelicots sur sa tombe, quelqu’un d’autre que lui. Elle ne savait que trop bien de qui il s’agissait.
 
 
Plus le temps passé, plus Kyo passait de temps avec elle. Il avait laissé tomber ses magouilles, ses virées nocturnes, tout, sauf elle. Même Mizuki ne semblait plus l’obséder autant qu’avant (Emiko avait des yeux, elle avait remarqué), il respectait les distances que le plus jeune avait mises entre eux.
Il passait donc son temps à s’occuper d’elle, à lui faire à manger des choses que son estomac pouvait accepter, à lui donner le bain lorsque ses jambes ne la tenaient plus tout à fait, à la bercer lorsqu’elle n’arrivait pas à dormir le soir, à la sortir de ses cauchemars lorsque Lee revenait pour la hanter d’outre-tombe.
Un soir, comme tant d’autres, il l’avait calé contre lui, l’ordinateur sur ses genoux. Il avait concédé à regarder Ponyo malgré son mépris pour ce film et l’attention ne pouvait que lui faire plaisir. Ou la faire sourire, parce qu’il luttait de toute évidence contre l’envie de commenter chaque passage qui lui déplaisait, soit tous.
 
▬ Kyo ?
 
Ce dernier leva la tête vers l’entrebâillement de la porte d’où sortaient quelques mèches orangées. Il répondit en chuchotant, certainement persuadé qu’Emiko s’était assoupie.
 
▬ Elle dort ?
 
Etant donné qu’Emiko, quoi que silencieuse, avait les yeux grands ouverts, Mizuki hocha négativement la tête. Kyo s’excusa doucement.
 
▬ Tu peux venir, deux minutes ?
 
Le plus âgé fronça les sourcils avant de baisser la tête vers la jeune fille, demandant de toute évidence si ça ne la dérangeait pas qu’il s’absente l’espace de quelques instants. Quoi qu’elle trouvait cela désagréable d’être laissé sur le carreau, elle ne rechigna pas et lui fit signe de le rejoindre. Il lui embrassa doucement le front avant de glisser du lit et de sortir de la chambre rapidement.
 
De là, elle n’entendit que des fragments de conversation.
C’est la voix du plus jeune qu’elle perçut en premier.
 
▬ … Non… Excuses.
 
▬ … Pas grave…
 
▬ J’aurai pas du… Sur le moment…
 
▬ … T’en vouloir… Pas.
 
▬ … Loin… Mauvais souvenirs…
 
▬ Oui… Amérique ?
 
▬ Peut-être.
 
▬ …Toi ?
 
▬ … Rester… Seul.
 
Un silence.
Kyo revint dans la pièce, toujours en s’adressant à Mizuki.
 
▬ T’es sur de toi ?
 
▬ C’est pour le mieux.
 
Mizuki regarda ensuite Emiko et malgré l’obscurité de la pièce, elle savait. Elle savait ce que ces yeux humides voulaient dire et elle eut le cruel sentiment que son avenir se décidait sans elle.
1 – le coquelicot est symbole de consolation 
« Le 15 août. » Emiko écrivit rapidement dans son petit carnet. « Pourquoi si tôt ? »
 
Kyo haussa les épaules avant de se reconcentrer sur ses valises. Ils étaient tous les deux dans sa chambre d’hôtel, empaquetant ses affaires et débarrassant son lieu de vie de ces huit derniers mois. La jeune femme avait rapidement perdu le fil dans ce chantier, ayant renoncé pour s’asseoir sur le lit et le questionner sur les raisons de leur départ anticipé.
 
« Le 15 août. Tu sais que c’est la semaine prochaine ? »
 
▬ Bien sûr que je le sais.
 
Il soupira en pliant tant bien que mal un de ses pantalons. Les Saga n’étaient décidemment pas fait pour la vie domestique…
 
Quand Emiko y repensait, tout était allé si vite. Depuis la discussion entre Mizuki et Kyo, il ne s’était écoulé que quelques jours et déjà, une date de départ était fixée, les modalités réglées, la transition calculée comme sur du papier à musique. Emiko retournerait à l’école à la rentrée prochaine (qui ne coïncidait pas à la rentrée japonaise, étrangement), Kyo avait déjà du travail pour son retour. La maison n’attendait plus qu’eux, d’après lui.
Quelque part, elle n’attendait que ça, que le 15 août arrive, que l’avion les prenne et les amène loin d’ici. Mais cela revenait à laisser Mizuki derrière et après tout ce qu’il avait fait pour elle, c’était… Injuste ? D’autant qu’il serait surement venu si cette Kimiko ne le retenait pas.
C’est ce qu’Emiko aimait se dire, elle imaginait bien que ce n’était pas si facile que ça pour lui de partir.
Kyo et Emiko n’avaient rien qui les retenait derrière, contrairement à lui qui avait encore ses parents, son travail, ses amis, tout.
 
« Il nous rejoindra un jour ? »
 
Ecrivit-elle avant de tapoter son épaule. Il se retourna, prit vraisemblablement la question en considération l’espace de quelques minutes avant de sourire tristement.
 
▬ J’aimerai bien.
 
C’était donc un non définitif.
 
 
Le jour venu, Mizuki les accompagna jusqu’à l’aéroport. Il tenait une partie des valises d’Emiko (des livres, des montagnes et des montagnes de livres) et marchait tranquillement derrière eux. Il semblait serein, tranquille, contrairement à Kyo qui ne pouvait s’empêcher de surveiller l’heure sur son téléphone comme si sa vie en dépendait.
Non, en fait Emiko savait qu’il comptait les minutes qui le séparaient du départ. Elle faisait pareille.
 
Ensuite vinrent les usuels contrôles de sécurité, interminables et inutiles (même si on démentait le contraire) et mon dieu jamais Emiko n’avait rempli un formulaire plus idiot que celui pour pouvoir rentrer sur le sol américain.
 
Plus que 10 minutes. Ils avaient posé leurs valises. Et il ne restait plus que 10 minutes. 9, maintenant.
 
▬ Bon, et bien je crois que c’est ici qu’on se dit au revoir.
 
Mizuki déclara et merde, merde, merde. Elle jeta un œil vers Kyo et elle lut la même chose dans son regard. Pas envie de partir.
Mais il le faut.
 
Alors Emiko sortit son téléphone et tapota dans les notes.
 
« Tu vas me manquer. »
 
Il lui caressa affectueusement les cheveux.
 
▬ Je serai qu’à l’autre bout du Pacifique. C’est pas si loin.
 
Elle tira la langue en signe de protestation.
 
▬ Tu vas me manquer aussi Emi.
 
Elle le prit contre elle et non, elle n’allait pas se mettre à pleurer.
Du coin de l’œil, elle savait que Kyo était en train de les regarder. Elle aurait voulu lui dire de venir mais ce moment était pour elle. Pour elle seule. Et puis ils avaient définitivement besoin d’un moment pour eux. Alors elle prit sur elle, 5 minutes seulement, elle l’embrassa sur la joue et elle lui offrit son premier sourire depuis un mois.
 
▬ Soigne-toi bien, d’accord ?
 
Elle acquiesça et désigna le distributeur d’à côté comme excuse pour les laisser tranquille.
Avec sa bouteille d’eau entre les mains, elle essaya de comprendre ce qu’ils disaient mais elle ne discerna que des gestes. Des sourires maladroits. Puis finalement, finalement, Mizuki le prit contre lui et elle crut lire quelque chose comme tu vas me manquer sur leurs lèvres. Puis Kyo tourna la tête pour regarder l’heure, 3 minutes, et Mizuki en profita pour oh !
C’était un baiser ça, non ?
Kyo eut vraisemblablement autant de mal à relier les points puisqu’il fixa le plus jeune d’un air incrédule.
 
▬ Le vol à destination de Los Angeles est sur le départ. Les voyageurs sont invités à se rendre dans l’appareil.
 
Ses mots furent la motivation nécessaire à ce que Kyo se retourne pour l’embrasser et Emiko se força à fermer les yeux pour respecter ce moment d’intimité qui n’avait rien d’intime bon sang on est en plein milieu d’un hall d’aéroport trouvez-vous une chambre !
 
Ils se rendirent ensuite dans l’avion et aucun n’eut le cran de se retourner une dernière fois. Mais elle savait, en regardant son frère sourire de la sorte, que ce moment n’avait rien d’un adieu. C’était une promesse.
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