Les allées de la Réserve vous semblaient étonnamment vides ce matin.
Peut-être était-ce l’heure peu commune –les nuages étendaient encore leur lueur fuchsia dans le ciel printanier-  ou alors l’approche de la limite de temps imparti aux nouveaux venus pour avoir soumis leurs demandes d’enrôlement pour une première Mission.
Oui, vous vous y étiez pris un peu tard ; mais qui ne s’y serait pas attendu? Vos divers mentors avaient depuis longtemps abandonné l’idée de vous former à l’enthousiasme.

Vos yeux gonflés par le manque de sommeil rampèrent jusqu’au solennel Bureau des Quêtes, et vous vous préparez à attendre un long moment en ne constatant rien de nouveau –quand un sifflement retentit à votre gauche, et un parchemin se trouve fiché dans l’un des panneaux de bois.
Arquant un sourcil dubitatif, vous vous haussez à hauteur de la flèche anonyme retenant le document : et, avant de le dérouler, vous jetez un coup d’œil par-dessus votre épaule.
Personne, évidemment.

Quel genre d’individu n’irait pas simplement accrocher sa demande, et la déplier au passage?
Vous tenez le parchemin du bout des doigts, et tournez les talons pour aller trouver un intendant.

Lorsque Faust sortit de la maison ce matin-là, accompagné de son fidèle corbeau Valkyrie, il remarqua que les rues étaient bien vides pour un début de semaine. Ayant déjà rempli toutes ses tâches administratives pour devenir officiellement un apprenti Chasseur, l'homme, âgé d'une vingtaine d'année, se dirigea lentement mais machinalement vers le Bureau des Quêtes, intrigué par les potentielles nouvelles qui pourraient s'y trouver.

Son oiseau fila vers le ciel, disparaissant bien vite vers les nuages, probablement en quête de nourriture ou plus simplement par envie de se dégourdir les ailes. Faust passa devant les écuries et salua d'une tape dans le cou sa monture, une jeune jument à la robe d'un magnifique noir, embellie par une tâche blanche triangulaire au sommet de son crâne.

-Bonjour Sombrage. Je passerai te voir cet après-midi pour notre balade journalière, dit-il, souriant, avant de lui tendre un bout de pomme que l'animal s'empressa d'avaler.

Le garçon se remit ensuite en marche, fredonnant un petit air en avançant sur les pavés encore mouillés par la rosée.
Alors qu'il s'approchait du Bureau des Quêtes, situé au centre de la Réserve, un discret "Fwing" se fit entendre. Faust pressa le pas. Là, non lui devant lui, une autre personne examinait avec attention ce qui avait dû être la flèche qu'il avait entendu quelques secondes plus tôt. Curieux, il s'avança dans le but de découvrir qui pouvait bien avoir besoin d'être aussi discret pour transmettre une simple annonce d'une manière aussi saugrenue.

Des pas pressés résonnèrent dans votre dos, et vous faites brusquement volte-face.

Le nouvel arrivant ne porte ni l'habit des intendants, ni l'insigne qui va avec.
Vos yeux cernés s'attardèrent quelques secondes sur la mine étonnée qui se présente au bout du couloir.

-J'imagine que c'est pas à toi, vous constatez d'une voix blanche.

Accompagnant vos dires d'un léger geste du poignet, vous levez le parchemin d'une main blafarde aux extrémités noircies.

Votre interlocuteur a l'air à peine plus âgé que vous- et bien trop enthousiaste à l'idée de se trouver au Bureau des Quêtes.

-...Première mission, ou un taux anormal de joie de vivre? Demandez-vous alors.

Faust regarde un instant le parchemin puis se retourne vers son interlocuteur, dont l'air maussade n'est pas des plus engageants. Il fait tout de même un effort et lui offre son plus beau sourire.

-C'est ma première mission, oui! Cela fait un moment que je me suis inscrit, j'attends ce moment avec impatience. Et puis, les études c'est sympa mais la théorie, c'est fatiguant après trois ans, quand même! lâche-t-il en lui faisant un grand sourire. Et toi? Tu as vu cette flèche arriver? Elle venait des hauteurs, c'est franchement étrange, tu ne crois pas?

En disant cela, il se retourne vers les appartements couleur cuivre de la rue et se met à observer les fenêtres des habitants.

Vous approuviez d'un simple geste du chef, un frisson parcourant votre nuque momentanément découverte; votre crâne rasé de près a ses avantages, mais le considérable désagrément de rendre l'air matinal plus mordant qu'il n'aurait dû l'être.

-On peut pas vraiment dire que j'ai capté grand-chose, répondez-vous en suivant le regard de votre interlocuteur de vos iris noir d'encre; la distance de tir est vraiment exagérée. Celui qui nous a fait parvenir cette quête ne veut clairement pas être connu.

Sourcils châtains froncés, vous vous avancez précautionneusement vers le nouvel arrivant:

-En tout cas, en trois ans de théorie je n'ai jamais entendu parler de demandes de mission vides.

Lorsque vous tendez le parchemin à l'aimable rouquin, votre regard s'attarde sur l'unique rune tracée au centre de la page.

Faust attrape le parchemin avec enthousiasme. Le papier, très peu épais, réagit à chaque frémissement de la brise. Ses yeux s'attardent un instant sur la rune avant de s'ouvrir bien grands.

-Oh! Je suis presque sûr de connaître ce symbole !

La question était maintenant de savoir où. Et ça, il n'en avait pas la moindre idée. Faust, confus, jeta un regard curieux à l'homme en face de lui puis haussa les épaules. Son subit élan de connaissance prit fin aussi vite qu'il était arrivé.

-Boarf, c'est pas une mission de toute manière. Je préférerai chasser des Dragons d'Opale plutôt que d'enquêter sur un symbole inintéressant.

Les premiers passants commencent à sortir de leurs appartements, se dirigeant machinalement vers leur lieu de travail ou la place du marché. Lentement, la brume fait place aux premiers rayons du soleil et l'ambiance mystérieuse qui régnait dans la Réserve semble doucement se dissiper au profit du tumulte habituel.

-Je m'appelle Faust. Faust Lancarter, fit-il subitement en se retournant vers son interlocuteur. Et toi? Je ne crois pas t'avoir déjà vu en ville. Ni même en cours d'ailleurs...

Vos sourcils semblent presque se nouer, pourtant votre matière grise ne s'en formalise pas: vous n'avez tout bonnement pas de réponse quant à la fameuse rune, et vous n'alliez pas l'inventer.

Tout de même, vous récupérez le parchemin, décidant que son entrée en scène plutôt perçante avait étrangement coïncidé avec votre arrivée et celle de Faust, que vous considérez toujours prudemment.

-J'imagine que les énigmes, c'est pas pour tout le monde.

Sur cette conclusion, vous vous passez une main -ou plutôt une manche d'où dépassent quatres ongles sur le crâne.

-Je veux pas paraître coincé, mais il vaudrait mieux que tu ne me serre pas la main, reprenez-vous après une seconde de silence encombré; Tu peux m'appeler Montressor, j'ai un nom à rallonge.